Les choix de Gisèle Didi — entretien avec la photographe

Le tra­vail de Gisèle Didi réin­vente l’intime. Un cou­rant sourd avance avec ses remous dans le ruis­sel­le­ment du corps. Les fron­tières se délitent dou­ce­ment entre ce qui devrait être cer­tain et ce qui est visuel­le­ment per­mis… Par­fois avec un « regard caméra », ce terme qui désigne le fait qu’un per­son­nage regarde en direc­tion de l’objectif et le fixe. Par lui, l’artiste per­met de pré­ser­ver le réa­lisme de la nar­ra­tion et « contre per­mettre » un réa­lisme d’une toute autre nature : celui d’un dia­logue. C’est le nœud du pro­blème en termes de fond. Il est mis en ten­sion par la forme. Mais un tel dia­logue n’a rien de la rigi­dité qu’impose tra­di­tion­nel­le­ment le lan­gage à tra­vers la parole. L’artiste est plus fidèle aux signes du corps. C’est bien cette confiance dont il est ques­tion dans les choix de Gisèle.

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’envie de faire.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils se sont embrumés.

A quoi avez-vous renoncé ?
A l’espoir de la sérénité.

D’où venez-vous ?
D’un monde d’amour, de bles­sures, de com­plexes et de non-dits.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Rien.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Boire du vin chaque jour.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Ma propre histoire.

Com­ment définiriez-vous votre approche du corps ?
Libre et névro­sée à la fois.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Le por­trait de mon grand-père Nino, enca­dré d’un cadre bor­deaux en cuir, posé sur la com­mode de la chambre de mes parents.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Piètre lec­trice, je ne sau­rais dire.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Pop, rock, disco, funk… Bowie, Archive, Gary New­man, Kool and the Gang… Et du jazz mais uni­que­ment avec mon amie Van.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Sûre­ment le pre­mier livre que j’ai lu et oublié.

Quel film vous fait pleu­rer ?
Trop de films.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une Gisèle qui vieillit mais est tou­jours là.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ai tou­jours écrit aux gens à qui je vou­lais écrire.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Petra que j’ai visi­tée avec ma mère, à l’époque de l’ouverture des fron­tières avec Israël.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Diane Arbus a été déci­sive, le grand choc. Mais j’en suis ailleurs aujourd’hui. Sophie Calle pour les récits intimes et le fait de s’utiliser comme sujet mais elle m’étonne moins à pré­sent. Le tra­vail trop violent de David Nebreda me parle aussi.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un énorme chèque.

Que défendez-vous ?
Le devoir de sin­cé­rité, la liberté d’être et de s’exprimer, le droit d’aimer qui ont veut, le res­pect de la différence.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
L’amour au-delà de soi… A quelqu’un qui n’en veut pas, j’en serais incapable.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Je l’adore et elle m’inquiète. J’y vois la sté­ri­lité qui ponc­tue trop sou­vent nos échanges.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Quel sera mon pro­chain travail !

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 9 décembre 2016.

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