Les accumulations et énumérations créent dans les textes de Laura Vazquez, en leur « prière » (entre autres) au tu comme en terme de récapitulations, tout un jeu de répétitions agissantes :
« on ne vit pas dans un zoo
on vit dans des rues
on est pas tristes dans le zoo
on est triste à la maison
Quand on touche quelqu’un
Quand on appuie sur son ventre
Quand on appuie sur ses doigts
Est-ce que ça déclenche quelque chose ».
Ce jeu de la répétition fait celui de la variation. En jaillit une partition hors des lignes de la portée classique.
Tout fonctionne selon des paradoxes, une ubiquité et un « incompossible » (Deleuze), selon des bifurcations irréversibles du passé comme du présent. Des « batailles » peuvent avoir ou non eu lieu. La poétesse affirme même que les deux possibilités peuvent se concrétiser simultanément. Bref, rien n’empêche d’affirmer que les « incompossibles » n’appartiennent pas au même monde. Il y a ce qui est arrivé, ce qui arrive, arrivera ou pas. Si bien que le « système naturel » n’est pas forcément simplifié.
Les textes, par leur conception même, font coexister plusieurs hypothèses entre le même et le différent en un cumul d’affects et la réintègration de la pluralité des déroulements possibles comme unité de composition. Le paradoxe n’est jamais dissout par le principe même des dispositifs poétiques propres à cerner une existence grevé de bifurcations qui, à terme, constituent des poèmes fantômes : on ne sait s’ils réfèrent à des événements existants ou supposés, rappelant l’indiscernabilité souvent éprouvée entre réalité et reconstitution imaginaire.
jean-paul gavard-perret
Laura Vazquez,
- Menace , Editions Derrière la Salle de Bains, 2015 — 6,00 €.,
- Oui, Editions Pleine Page, 2016, 78 p. — 5,00 €.