Gianpaolo Pagni, Grande enquête au tampon

Le geste avenir

L’empreinte au tam­pon ou par objets est une tech­nique spé­ci­fique de l’art du col­lage et de l’assemblage. Elle prit son essor avec les Dadaïstes (Max Ernst). Gian­paolo Pagni pour­suit cette expé­ri­men­ta­tion. Pour lui, ce n’est plus l’objet ou le docu­ment qui est placé sur un sup­port mais la for­ma­tion du motif par imi­ta­tion optique créa­trice de l’empreinte. Celle-ci pose la ques­tion de la dis­pa­ri­tion de l’élément qui a pro­vo­qué cette trace. Jas­per Johns parle à ce sujet d’une « chose faite d’une autre ».
Un tel choix ramène aux images pre­mières : entre autres, les traces de mains néga­tives des hommes pré­his­to­riques. Chez Pagni, l’empreinte avec le tam­pon ou ce qui en tient lieu devient une recherche plas­tique au ser­vice de mon­tages et d’assemblages géométriques.

Les traces d’empreintes de cartes de visite (« cartes de visite »), de bandes magné­tiques VHS (« Vidéo­thèque »), d’objets obte­nus par décou­poirs à pâtis­se­rie (« Phy­sio­lo­gie du regard ») sont répé­tées par l’artiste en des encrages de dif­fé­rentes cou­leurs. Elles per­mettent la créa­tion de divers motifs selon des mode­lages repo­si­tion­nés, assem­blés ou super­po­sés en dif­fé­rentes logiques de créa­tion.
Sur­git une magie des formes et des cou­leurs en ara­besques, stries, rec­tangles, etc.. Ces formes sont aussi simples qu’énigmatiques. L’ambition de Pagni n’est pas de créer un art “d’artiste” pas plus que de le réduire à un jeu qui limi­te­rait les agen­ce­ments de modules à un délassement.

L’artiste se confronte avec l’idée de la matière en tant que matière du monde. Cela per­met d’envisager la ques­tion de la den­sité même si par­fois une part de “jeu” ou de dis­tance per­met une res­pi­ra­tion plus ample en une sor­tie de l’étouffement des images. Il existe là un pari pour voir com­ment ce tra­vail se déve­loppe pro­gres­si­ve­ment. Pagni ne cesse de s’extraire de cer­tains che­mins pour en trou­ver de nou­veaux même s’il n’est pas jusqu’au moindre départ qui ne laisse der­rière lui un retour.
Par ce biais, l’artiste aborde la ques­tion des limites et des seuils tout en accor­dant à l’art ce qu’on lui refuse sou­vent : le pri­vi­lège d’une beauté plus agis­sante que déco­ra­tive. Le tam­pon devient donc le moyen de fran­chir des pas­sages, d’explorer le rap­port du fond au motif selon de nou­velles pré­hen­sions de l’espace entre le cen­tri­pète et le cen­tri­fuge. Cela n’a rien d’innocent et révèle une manière de parier sur le futur plus que de se cru­ci­fier au passé.

C
ertes, la situa­tion de l’artiste contem­po­rain fait que son héri­tage est com­plexe mais celui-ci impose la néces­sité de pas­ser des seuils. L’œuvre prend place sur une sur­face qui peut excé­der le pré­sent à tra­vers des livrets qui laissent espé­rer — au bout de la route — LE livre avenir.

jean-paul gavard-perret

Gian­paolo Pagni, Grande enquête au tam­pon, édi­tions Gian­paolo Pagni (www gianpaolopagni.com), 2016.

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