Certes, pour Lair « il y a la poésie » : mais pas n’importe laquelle. L’ancien responsable de la regrettée revue « Mot pour Mot » multiplie dans son livre ses bulletins d’humour et d’humeur avec le genre qu’il chérit. Le but n’est pas de construire un logos discursif mais de mettre en évidence certains « incestes » qu’elle doit subir.
Le premier — et non des moindres — : celui de l’idéalisme. Sous prétexte de la supposée illumination de ceux qui se prennent pour ses gourous (et parfois ses lacangourous), elle se réduit à une théosophie de plus.
Quant au présumé poète, il reste plus qu’à son tour un psychotique. Comme tout être atteint par cette maladie, il ne souffre pas de ne pas être né, mais de n’avoir pas été « identifié » par sa génitrice pendant sa grossesse. L’objectif sera de faire savoir à la terre entière son état d’inséparation. Mais là où ça se gâte, c’est que n’est pas Artaud qui veut.
Lair multiplie ainsi des vaticinations moins farcesques qu’il n’y paraît. Il rappelle combien chez les poètes rôdent un totalitarisme stalinien. Chacun d’eux est, à ses yeux, le seul a bien écrire et à dire « La » vérité : c’est ce qu’on peut reprocher à des poètes pourtant intéressants du type de Jacques Sojcher. Ce besoin de toute-puissance, rappelle Lair, « puise à nos racines les plus infantiles ». Et il est bon de le rappeler. A bon entendeur, salut !
jean-paul gavard-perret
Mathias Lair, Il y a poésie, Editions Isabelle Sauvage, 2016, 164 p. — 17,00 €.