Quand Angélique de Place casse l’hibernation – entretien avec l’artiste
Angélique de Place « déplace » (sans jeu de mots) le statut de la nudité. Celle-ci n’est plus le vecteur de la fabrication des fantasmes, même si les « infractions » entamées par l’artiste n’excluent en rien la beauté. En la liant à la souffrance de la maladie, elle n’est plus un effet de caprice. Certes, cela peut ajouter une autre souffrance et une frustration.
Si les prises ont pour effet d’intensifier une certaine détresse, en même temps c’est une manière de la dépasser presque « à corps défendant ». La photographe vivant son mal trouve par ses prises à la fois la possibilité d’être reconnue en tant qu’artiste et que sa maladie soit prise en compte. Et ce, non pour elle mais pour toutes les femmes qui subissent une telle maladie. L’artiste contribue à faire la sortir de l’ombre et du mutisme.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le soleil. L’hiver, j’hiberne.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils veillent sur moi.
A quoi avez-vous renoncé ?
L’itinérance.
D’où venez-vous ?
Paris.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
L’amour.
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Un rayon de soleil ou un flan.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Ma subjectivité, c’est-à-dire mon vécu, mon intuition, ma liberté.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Les diapos de mon père. Ces instants saisis, suspendus dans le temps sur ces petites vignettes en carton.
Et votre première lecture ?
« Les malheurs de Sophie » de la Comtesse de Ségur.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Bob Dylan, Barbara, Elton John, Janis Joplin, Ben Harper, Nina Simone, entre autres… Et mon dernier coup de cœur Alex Gonzalez.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Le Bonheur » de Philippe Delerm, il me rappelle à l’essentiel.
Quel film vous fait pleurer ?
Le dernier en date, « Sky » de Fabienne Berthaud. Cliché ou non, les road-movies me touchent toujours, surtout s’il s’agit de liberté et de résilience.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je ne me regarde pas tellement dans le miroir, c’est un exercice difficile.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Personne. Je me sers plus aisément d’un stylo que de ma voix et personne ne me fait particulièrement peur.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Athènes, mon adorée.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Personne. Ce serait très orgueilleux de croire ressembler à un artiste qu’on admire. Cependant, les mots de Sylvain Tesson font souvent écho, les images de Koudelka me parlent et les parcours qui m’inspirent sont ceux de femmes incroyables telles que Jane Evelyn Atwood, Mary Ellen Mark, Imogen Cunningham ou Susan Meiselas.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un figuier ou un lilas.
Que défendez-vous ?
La justice en général, le féminisme et l’écologie en particulier.
Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Rien de bon.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Tout à fait d’accord.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Qu’en pensez-vous?
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 15 mars 2019.