In Toto N°7

In Toto N°7

Ça commence juste (comme une image juste) par le Chapeau mains. Autrefois, entre 1945 et 1951, dans le Troisième Convoi (nous voyageurs du second convoi, André Breton) dont il sera question sous et par la plume du cycliste des lettres Jehan van Langhenhoven (p.14), autrefois donc, « le réel commençait au-dessous de ta robe » disait Georges Lambrichs à une rencontre placée entre  guillemets, le hasard !
Chez In toto, c’est Bellmer et son dessin Chapeau mains que rencontre Marc Kober et vice-versa. Ce même Marc Kober écrira plus loin (p. 67) : « Ils étaient deux (1+1) en fourrure gris-cendré, perchés au-dessus des promeneurs, en avant-garde du sommeil. » Car c’est bien du sommeil qu’il s’agit, du rêve, en revue (non) corrigée, en exemple ces rébus de Cueco p. 23 qui sont les lettres du rêve et vice-versa. « Le rêve est un rébus… » disait Freud cité par Mona Huerta p. 34.

Mais revenons à notre commencement p. 3 intitulé L’autre même (m’aime-t-il vraiment ?), cadavre exquis signé du 1+1 Abdul Kader El Janabi & Charles Illouz qui finit par ces mots : Le reste suit de là. Ce reste qui me fait songer à cette citation de Kafka qui ouvre le N°1 du Troisième Convoi : « Il reste à faire le négatif, le positif nous est déjà donné. » Ce reste qu’il reste à faire étant redevable à l’espoir de détourner le langage pour y fonder mais quoi ?

Charles Illouz ! Aurait-il quelque chose à voir avec Antoine Illouz ? « Pour moi, écrivait Breton dans Les Pas perdus, se dérober si peu que ce soit à la règle psychologique équivaut à inventer de nouvelles formes de sortie. En voici une : « New Morning. Paris.  Il pleuvait des cordes. J’aurais préféré des cuivres ; mais c’était des cordes. J’étais plein d’alcool, de musique et d’ivresse des profondeurs. J’avais plongé loin, très loin avec Illouz, fils de Betzy Jolas et surtout petit fils d’Eugène Jolas, l’éditeur de la revue Transition qui avait fait paraître Finnegans Wake de Joyce. De Joyce à In Toto la conséquence est bonne.
Le concert fini, je marchais dans la nuit sous la pluie. Tour Saint-Jacques. Où la légende dit que Pascal y aurait renouvelé ses expériences du Puy de Dôme sur la pesanteur. Le Pascal du pari : « Dieu est, ou il n’est pas.  Mais de quel côté pencherons-nous ? La raison n’y peut rien déterminer : il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un jeu, à l’extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile. Que gagerez-vous ? »

Quoi de plus free que Finnegans Wake ? Où tout est atomisé : three quarks for Muster Mark ! J’y étais. Je le vivais in l’œil du cyclone Pascal+Joyce+ Jolas+Illouz = 1. J’ai commencé par jeter mon parapluie qui a disparu dans la nuit d’un vol de nuit. Puis, j’ai arraché un à un les arbustes qui bornaient la Tour Saint-Jacques ; en les faisant tournoyer au-dessus de ma tête comme un lanceur de marteau lance la pièce au plus loin. Tout était permis. Même l’existence de Dieu. Pile ou face ? Qui sait ? Pour ma part, je n’ai jamais su de quel côté étaient retombés ces arbustes.
Je ne me souviens plus qu’il pleut. Mais je me souviens du parapluie. Je l’atomise come Joyce fait avec la langue. Je le putréfie, le pourris d’éclats.  De restes !  Et je me souviens que pendant le concert, j’ai montré ma bite. Je baisse mon pantalon et je gueule : And as, these things being so ere those having done…   Illouz la joue Miles. Ça me revient par paquets d’eau de pluie, je le resserre sous mes ailes hautes comme des flammes dans la nuit. Illouz mon salaud ! Ta musique safran et cinnamone, tête d’aromates, tu m’as incardié ! Mon cœur veille mais mes jambes ne suivent plus. Je tombe la gueule dans le bitume. Cuit ! J’ai soif ! Je jure de toutes mes lèvres glissantes ! Je me diffame. Je tremble. Il pleut pire, dru. Je me sommeille de mort dans la rue. Au réveil, je ne suis plus le même. »

J’ai posé la question à Charles Illouz, il n’a pas de lien avec Antoine et la famille Jolas ! En revanche, Paolo Cueco, qui décrit son Art du rébus, ou comment penser sans être bicéphale à la page 23, en y précisant que dans un rébus digne de ce nom, on utilise les dessins pour ce qu’ils sonnent et non pour ce qu’ils sont, Paolo est bien le fils d’Henri avec qui j’aurai pu exposer des poireaux au milieu de ses pommes de terre pour célébrer l’anniversaire du marchand de graines Vilmorin.

+

= (prénom Hercule)

Ah, je dessine (beaucoup) moins bien que Bellmer que revoilà dans In Toto p. 71 avec la complicité de Joseph Nosarzewski. Joseph, que je connais un peu (beaucoup) pour avoir édité et postfacé son Bellmer chez Douro, possède une rare collection vouée au maître (œuvres et documents). Ce cher Bellmer dit Bellmoor pour Jehan van Langhehoven, comme il le surnomme (surréel oblige) dans son roman Nora.  Nora ? Écho à la charmante épouse de Joyce qui, noble voyou, lui enverra des lettrines bien poivrées dont ces quelques restes : « Ce n’est pas moi qui t’ai touchée le premier il y a longtemps à Ringsend. C’est toi qui as glissé ta main lentement à l’intérieur de mon pantalon et qui as sorti ma chemise et as touché ma bite de tes longs doigts qui me chatouillaient et qui l’as entièrement sortie, toute grosse et raide qu’elle était, dans ta main et m’as branlé lentement jusqu’à ce qu’elle gicle à travers tes doigts, et pendant tout ce temps tu étais penchée sur moi et tu me contemplais de tes calmes yeux de sainte. Ce sont tes lèvres qui ont pour la première fois prononcé un mot obscène » Qui sait ? En p. 77, In Toto rend compte (rencontre) de Nora by Nora, ce puzzle (rébus et restes) de littérature et de mort. 

Ensuite, c’est la fête à Réquichot de la page 83 à la page 100 ! Dont une interview p. 95 de Pascale Criton, fille de Jean, qui rappelle chez le peintre-écrivain (peindrécrire, n’est-ce pas !) le travail de déplacement intensif ; ainsi fut une œuvre mutante : I TIKLI TIK’LIK TIKA ! Ce qu’il fallait dire et redire !
Un dernier hommage à Odilon Jean Périer (1901-1928) par Denis Moscovici… Au terme aérien d’un jour sans aventure/ Entre mes doigts s’achève un ouvrage d’eau pure…

Enfin, je dédie ma recension d’eau pure à Michel Fardoulis-Lagrange dont il est (beaucoup) question dans ce magnifique In Toto N° 7.

In Toto N°7, Éditions de l’Asymétrie, 2025, 128 p. – 15,00 €.

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