Cet ensemble de textes — à la fois poésies et ars poetica — fait de celui qui avance ici accompagné par Rimbaud le profanateur “forninkator”. Au besoin, en peinture comme en écriture, il ouvre des parenthèses pour se présenter aux lectrices et lecteurs , “sur fond de velours alto basso orné d’un motif de couronne surmontée d’une fleur de Tarbes. Du noir, du blanc et du tanné figuré par l’or du grand vaisseau annoncé plus haut par Rimbaud”. Si bien que ce dernier devient son parent-thèse.
Les oeuvres de Cauda restent avec le rouge comme ligne de force, comme fonds et surfaces, laque et lame afin d’enduire ou saigner tout ce qui soit l’être en guise de palimpseste ou de théologie négative. Et aussi pour que la femme soit reine, car elle a créé la peinture et le péché dans le but de la résurrection des corps.
Dès lors, pour Cauda, peindre est “du commencement qui est à distinguer du début. Le début est ce à quoi s’accroche quelque chose. Le commencement c’est de là que jaillit du dedans et il se fomente dans le mélange du passé au présent “qui se regarde dans le verbe peindre comme une lisière, un trait entre le uchi et le soto, entre l’intime et l’extime.”
Par un effet de vidage Cauda met donc à nu un monde plein de signes et de fils qui ne servent pas qu’à couper le beurre. C’est pourquoi pour un tel créateur dans ses rituels de (re)commencement chaque toile jaillit selon le registre de résonances profondes et sulfureuses. Et ce, en recréant la tradition dont personne n’avait jamais fait mystère : “quand il y a peu de lumière dans une pièce, tout devient un tableau qu’à tout instant on peut dérouler devant soi, comme une carte du terrain”. L’artiste en fait son ring.
S’y fomentent les hasards objectifs, les chemins de la ligne pas forcément claire, les contrastes mais où le rouge demeure parfait et souverain. Le tout dans l’art de montrer comme dans celui de masquer. L’ensemble reste capable du secret, de ce secret qui anime tout rituel et “dont je tairai à jamais la suite du processus” annonce Cauda. Il en livre néanmoins bien des clés.
jean-paul gavard-perret
Jacques Cauda, Mégaligraphies, Editions Douro, collection “Présences d’écriture”, 2023, 70 p