Jacques Cauda, Mégaligraphies

Le rouge est sa couleur

Cet ensemble de textes — à la fois poé­sies et ars poe­tica — fait de celui qui avance ici accom­pa­gné par Rim­baud le pro­fa­na­teur “for­nin­ka­tor”. Au besoin, en pein­ture comme en écri­ture, il ouvre des paren­thèses pour se pré­sen­ter aux lec­trices et lec­teurs , “sur fond de velours alto basso orné d’un motif de cou­ronne sur­mon­tée d’une fleur de Tarbes. Du noir, du blanc et du tanné figuré par l’or du grand vais­seau annoncé plus haut par Rim­baud”. Si bien que ce der­nier devient son parent-thèse.

Les oeuvres de Cauda res­tent avec le  rouge comme ligne de force, comme fonds et sur­faces, laque et lame afin d’enduire ou sai­gner tout ce qui soit l’être en guise de palimp­seste ou de théo­lo­gie néga­tive. Et aussi pour que la femme soit reine,  car elle a créé la pein­ture et le péché dans le but de la résur­rec­tion des corps.
Dès lors, pour Cauda, peindre est “du com­men­ce­ment qui est à dis­tin­guer du début. Le début est ce à quoi s’accroche quelque chose. Le com­men­ce­ment c’est de là que jaillit du dedans et il se fomente dans le mélange du passé au pré­sent “qui se regarde dans le verbe peindre comme une lisière, un trait entre le uchi et le soto, entre l’intime et l’extime.”

Par un effet de vidage Cauda met donc à nu un monde plein de signes et de fils qui ne servent pas qu’à cou­per le beurre. C’est pour­quoi pour un tel créa­teur dans ses rituels de (re)commencement chaque toile jaillit  selon le registre de réso­nances pro­fondes et sul­fu­reuses. Et ce, en recréant la tra­di­tion dont per­sonne n’avait jamais fait mys­tère : “quand il y a peu de lumière dans une pièce, tout devient un tableau qu’à tout ins­tant on peut dérou­ler devant soi, comme une carte du ter­rain”. L’artiste en fait son ring.

S’y fomentent les hasards objec­tifs, les che­mins de la ligne pas for­cé­ment claire, les contrastes mais où le rouge demeure par­fait et sou­ve­rain. Le tout dans l’art de mon­trer comme dans celui de mas­quer. L’ensemble reste capable du secret, de ce secret qui anime tout rituel et “dont je tai­rai à jamais la suite du pro­ces­sus” annonce Cauda. Il en livre néan­moins bien des clés.

jean-paul gavard-perret

Jacques Cauda, Méga­li­gra­phies, Edi­tions Douro, col­lec­tion “Pré­sences d’écriture”, 2023, 70 p

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