L’amibe, l’iguanodon, la chienne vénérée, le doberman de bâtarde lignée, le rat sans dégoût font partie de ton corps. Et même tes caresses au Vendredi Saint sont devenues les palissades de notre bestialité.
Immatriculant tes abatis, nous découvrons que si les presse-bites ne sont pas myopes, les morts ne sont pas seuls à se raidir. Mais tu illustres aussi combien dans l’homme un phacochère sommeille. Tu n’es donc pas aussi fermé que l’étaient les maisons closes.
D’ailleurs, certaines espèces qui s’agitent en ton bestiaire pourraient s’épanouir dans ce genre de lieu — cochons qui s’en dédient. Du moins ceux que leurs dessous inquiètent.
Mais, grâce à toi, l’âme humaine est donc soluble dans la bête. On te reprochera d’avoir sali Vendredi. Mais sans te demander où ta charité s’arrêta. Comme quoi il n’est pas forcément facile d’être un sage. Et tu rappelles qu’en nous nul port n’est épique et que l’hygiène la plus intime est celle de l’esprit.
Qu’importe si une raie alitée fit ton succès damné. Comment sans lui expliquer la nuit à la nuit à qui n’a pas eu à emprunter les chemins de la foudre ? Ton séjour en l’île fut donc prophylactique.
Face aux philosophes à qui il faut un mitigeur de morale, tu fais passer du fleuve du songe aux affluents du réel. Ta vie ne fut à ce titre ni une aube tranquille, ni un crépuscule dérisoire. Ce n’est pas non plus une bourre duveteuse qu’on nomme félicité et qui emplit le creux de la pensée.
Tu restes un terroriste abstrait. Il en va de ton voyage comme de la vie. Celui qui s’y engage découvre que son parcours est un accroissement de nulle part. Mais il n’a rien à regretter.
Et sache que nous sommes de ton côté et que ceux qui te jugeraient ne le feraient qu’à l’aune de leur propre (in)suffisance notoire. Leur lumière n’est pas un éclairage.
jean-paul gavard-perret
Photo de Moniva Brand