Pour Laurence Fritsch, rien ne sert de savoir : pour elle, les questions sont le sel de la terre et du cosmos. Et la lune lui permet de cultiver sans attendre plus qu’un semblant de réponse par ce qu’elle offre d’échanges. C’est une belle leçon de conduite et d’existence.
Mais ce n’est pas parce que le ciel se referme parfois sur elle qu’il faut renoncer au peu que nous sommes et au chemin qui reste. Son sac est toujours prêt pour aller plus loin en revenant à ce que la lune donne comme leçon de vie et de poésie.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Continuer à lire un livre ou en commencer un autre. Découvrir un nouvel univers. Une nouvelle écriture. Ouvrir les volets, regarder par la fenêtre. Une vue, un paysage.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
J’ai toujours rêvé d’écrire. D’une certaine façon, j’en ai fait mon métier en devenant journaliste. Mais, il s’agit d’une forme « contournée » ou « détournée » d’écrire. Je crois que mes rêves se réalisent maintenant avec la parution de ce premier recueil.
A quoi avez-vous renoncé ?
A changer la nature humaine. L’éclairer oui, la changer, non.
D’où venez-vous ?
Des montagnes, des pierres, et de la mer.
Qu’avez-vous reçu en “héritage” ?
La parcimonie, le manque, le déracinement.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Un thé noir le matin. Du miel parfois.
Comment êtes-vous venue à prendre la lune comme sujet ?
La lune, avec les étoiles, habillent notre ciel. Je l’ai toujours trouvé splendide, magnétique et si changeante, pleine, ronde, morcelée, croissant, blanche, jaune ou rousse. Dès que la nuit tombe, je la cherche des yeux. Et je m’émerveille à chaque fois que la vois. Si je suis accompagnée, je la pointe du doigt et je dis : « Oh la lune, vous avez-vu la lune ? ». On peut aussi la voir en plein jour, elle ressemble à un petit nuage ou une plume.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
La mer. Le flux et le reflux. Un son régulier, apaisant et stimulant à la fois. Jusqu’à la colère, la houle. Et les cailloux et coquillages qu’elle charrie, polit et dépose sur la grève. Et que je ramasse.
Et votre première lecture ?
Enfant, les premiers récits qui m’ont fascinée furent les contes, ceux de Perrault, d’Andersen, des frères Grimm ou cette collection de grands livres illustrés, du Tibet ou d’ailleurs.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Essentiellement du rock (The Clash, Queen, Red Hot Chili Peppers, Led Zeppelin, Telephone, Pink Floyd, Dire Sraits, Iron Maiden, Maneskin…), un peu de musique classique (Rimsky-Korsakov, Prokofiev, Mozart, Saint-Saëns, Dutilleux…)
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je relis peu. Il y a tellement de nouveaux livres à lire, même en poésie. Le nombre d’ouvrages qui paraît est impressionnant. Je vais de l’avant. Je suis une lectrice compulsive !
Quel film vous fait pleurer ?
Je regarde peu de films. Aux images animées, je préfère les images fixes. Les tableaux, les photos. Les expositions. La beauté peut émouvoir aux larmes.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une femme qui doit se hâter de réaliser ses rêves !
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’aimerais entretenir une correspondance avec de nombreux écrivains et poètes. Timidité, paresse, je ne sais. Je suis fascinée par les correspondances, mais aussi par les journaux, celui d’Alejandra Pizarnik, Catherine Pozzi, Eugène Delacroix, Odilon Redon, Cesare Pavese…
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Athènes, Rome, Istanbul.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Roberto Juarroz, André Du Bouchet, Antoine Emaz, Thierry Metz, Pierre Reverdy, Jean Tardieu, Bartolomé Ferrando, Célestin de Meuûs, Silvina Ocampo, Sylvia Plath, Emily Dinckinson, Raphaele George, Alejandra Pizarnik, Anna Akhmatova, Inger Christensen, Laure Gauthier, Marie de Quatrebarbes, Laura Vazquez…
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un livre !
Que défendez-vous ?
La liberté, la beauté, l’universalisme.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas” ?
Suicidaire !
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Par principe ou par réflexe, je réponds plutôt d’emblée : « non » !
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Quelle question !
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com, le 26 mai 2023.