Les Géants de la Montagne (Luigi Pirandello / Marie-José Malis)

Une sty­li­sa­tion pré­cieuse et fastidieuse

La toile qui est ten­due devant le public com­mence à s’animer. Deux têtes de clowns tristes passent à tra­vers. Le poème qui ouvre la pièce est lu sur une musique pro­gres­sive ; peu à peu les voix sont défor­mées. Marie-José Malis ins­talle une atmo­sphère de bri­co­lage et d’improvisation : on voit le pla­teau dépouillé, avec tous ses élé­ments tech­niques, au milieu duquel semblent errer les habi­tants du lieu, en cos­tumes impro­bables, res­sem­blant à des riches déchus, bar­dés de loques pré­cieuses mais mal entre­te­nues.
Des adresses au public semblent avoir pour objet de fra­gi­li­ser la repré­sen­ta­tion : le pro­pos tel qu’il est pré­senté semble consti­tuer une ten­ta­tive d’expression de l’immanence. Des pro­cla­ma­tions décon­tex­tua­li­sées pré­sen­tées sur un ton décla­ma­toire, que Marie-José Malis choi­sit par­fois de tour­ner en déri­sion, faute de pou­voir les faire appa­raître comme des orientations.

Le der­nier texte de Piran­dello inter­roge le sta­tut de la repré­sen­ta­tion : jouer ou ne pas jouer, telle paraît être la ques­tion émi­nem­ment posée. Ainsi, les comé­diens se demandent fré­quem­ment ce qu’ils font. Il semble s’agir de brouiller les pistes : la repré­sen­ta­tion a lieu avec la lumière allu­mée dans la salle ; les varia­tions de type de jeu inter­viennent sou­vent ; les acteurs s’assoient par moments au bord du pla­teau.
Piran­dello a essayé de rompre avec la tra­di­tion au pro­fit d’une démarche spé­cu­la­tive, un peu her­mé­tique. Cette ratio­ci­na­tion lente, sans objet, prend sou­vent un aspect lan­ci­nant et ité­ra­tif. Ainsi inverse-t-on les rôles : les hôtes finissent par jouer devant la troupe errante en mal de public.

Un pro­pos sans assise, sans évé­ne­ments, qui conduit les per­son­nages à ques­tion­ner le carac­tère fic­tif des mondes dans les­quels nous vivons. Cette fable méta­phy­sique cherche à pro­mou­voir ou à déchoir l’enchantement du conte, par une constante mise en abyme.
Un exer­cice de style pré­cieux, fra­gile, trou­blant, fas­ti­dieux aussi.

chris­tophe giolito

Les Géants de la Montagne 

de Luigi Piran­dello 
adap­ta­tion et mise en scène Marie-José Malis 

© Natha­nael Mergui 

avec Pas­cal Batigne, Juan Anto­nio Cres­pillo, Syl­via Etcheto, Oli­vier Horeau, Anne-Sophie Mage, Isa­bel Oed, Laurent Prache, Moham­mad Muzam­mal Hos­sain Soheb.

Sta­giaires assis­tants à la mise en scène Mat­tei Moreno, Lucie Ouchet ; scé­no­gra­phie Jessy Duca­tillon, Marie-José Malis, Adrien Marès ; contruc­tion Mous­tafa Benya­hia, Adrien Marès, David Gon­dal, Inès Nico­las ; lumière Jessy Duca­tillon ; son Patrick Jammes ; régie pla­teau Adrien Marès ; cos­tumes Pas­cal Batigne ; confec­tion des cos­tumes Pas­cal Batigne, Agathe Laem­mel, Sophie Schaal. Remer­cie­ments à Anto­nin Fas­sio (Groupe T) ; à Luce Le Yannou.

A La Com­mune, centre dra­ma­tique natio­nal, 2 rue Édouard Pois­son, 93300 Aubervilliers.

Du 8 au 19 février 2023, du mardi au ven­dredi à 19h30, le samedi à 18h, le dimanche à 16h. Durée 3h.

Pro­duc­tion La Com­mune CDN d’Aubervilliers.

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Filed under On jette !, Théâtre

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