Ce recueil représente une suite “d’adresses” à plusieurs artistes — dont les peintres Serge Saunière, Olivier de Sagazan, Christophe Miralles, Christelle Morvan.
Dans une économie de moyens, chaque pièce ne se veut pas un commentaire des oeuvres, mais la recherche d’un mouvement et d’une traversée qui dépasse la peinture.
La poétesse montre qu’à sa racine et pour la cheviller à la chair, il existe un appel d’une puissance archaïque au-delà même de la pensée là où
“Le noir s’approfondit en soi
Remonte l’oubli
Un fond d’où remonte l’oubli pour que le noir existe“
sans que l’on sache d’où vient ce fond : du ventre ? De la tête ? Ou de la main et son geste ?
Le tout suivi de fragments d’une correspondance avec Bernard Noël, un proche de Saunière et qui trouva dans les mots que l’auteure lui consacre “la sensation d’être si juste qu’il en émane une beauté d’autant plus vive que ce n’est pas elle qui est recherchée mais l’équivalent de la perception. »
Il convient d’accepter le défi que propose la poétesse et sa vision de la peinture qui n’est jamais plus forte que lorsqu’elle s’approche du néant. Les gouttes de matière le toisent et l’écriture de Myriam Eck aussi. D’où l’importance de cet exercice à travers les mots les plus simples et leurs minuscules fragments d’explosions.
En peinture comme en poésie, en esprit comme en chair l’élan les transporte. Et ce, loin des vieux refrains comme des vieilles images que les peintres invités défont pour créer un accomplissement. Et qu’importe s’il recule à mesure que la création avance.
C’est ce qui fait le prix de son entêtement et de ses enlacements.
jean-paul gavard-perret
Myriam Eck, Sans adresse le regard n’a pas de bord, Æncrages & Co, collection Voix de chants, encres de l’artiste Serge Saunière, 2022, 4 p. — 18,00 €.