Sandrine Szwarc, Les intellectuels juifs de 1945 à nos jours

L’historienne San­drine Szwarc  réa­lise ici un coup de maître

C
et ouvrage vient com­bler uti­le­ment un manque édi­to­rial. En effet, il n’existait pas jusqu’ici de réflexion appro­fon­die sur le des­tin des intel­lec­tuels juifs en France après la Seconde Guerre mon­diale. Des ana­lyses sur le par­cours de tel ou tel pen­seur peuvent bien avoir été publiées, il man­quait une approche d’ensemble qui envi­sage de déga­ger une cohé­rence dans la tra­jec­toire des intel­lec­tuels juifs de culture fran­co­phone. C’est pré­ci­sé­ment ce que nous pro­pose l’historienne San­drine Szwarc qui, en publiant son pre­mier livre, réa­lise un coup de maître : après la Shoah, les pers­pec­tives du judaïsme fran­çais changent radi­ca­le­ment en s’éloignant de la volonté de fondre ses tra­di­tions dans l’assimilation tra­di­tion­nelle du modèle d’intégration à la fran­çaise à l’ambition de retrou­ver plei­ne­ment son iden­tité juive – dans le sens d’une iden­tité reli­gieuse.
Les ini­tia­teurs des Col­loques des intel­lec­tuels juifs de langue fran­çaise – qui se tiennent à Paris de 1957 à 2000 – illus­trent par­fai­te­ment ce bas­cu­le­ment : Emma­nuel Levi­nas, André Neher ou encore Vla­dé­mir Jan­ké­lé­vitch concré­tisent le renou­veau d’une pen­sée juive qui se rap­proche des textes bibliques et tal­mu­diques pour dis­cu­ter de thèmes d’actualité. S’appuyant sur les archives du Col­loque, l’auteur montre très bien com­ment ces mani­fes­ta­tions intel­lec­tuelles de haut niveau attirent un public de plus en plus large, s’ouvrant aux non juifs assez rapi­de­ment. De fait, le judaïsme trouve alors sa place dans la « tra­di­tion huma­ni­taire occi­den­tale » au sein duquel il était marginalisé.

Au fond, les tra­vaux du Col­loque ont à la fois per­mis d’acter l’existence d’une pense juive auto­nome – ce qui pou­vait être remis en ques­tion après la Shoah –, qui en revient aux fon­da­men­taux reli­gieux pour com­prendre le monde tout en s’insérant soli­de­ment dans la culture occi­den­tale. Lorsque l’influence de ces mani­fes­ta­tions déclina, il fal­lait conve­nir qu’elles avaient per­mis l’émergence d’un nou­veau type d’intellectuel juif : celui qui s’exprime sur les bases d’une « sym­biose judéo-universelle » (selon l’heureuse expres­sion de San­drine Szwarc). L’intellectuel juif d’aujourd’hui…
 
eric kes­lassy

San­drine Szwarc, Les intel­lec­tuels juifs de 1945 à nos jours, Le Bord de l’eau édi­tions, 2013, 260 p. — 20,00 euros.

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