Entre le dantesque et l’exotisme
Jean-Jacques Marimbert forge une poésie lyrique d’élévation ici-même, ici-bas. Ce qu’il nomme à la suite de Merleau-Ponty une “parole parlante” devient le pied de biche capable de soulever la pensée, l’émotion, la passion.
Cette parole reste donc à l’état d’outil.
L’auteur y brasse des modes, trop peut-être mais c’est comme pour manger la vie moins par un langage comme chez Artaud que par la pensée. Même si elle devient ici “coup de gueule” entre le dantesque et l’exotisme.
Marimbert est plus serviteur que créateur, comme abasourdi par les explorateurs des mondes que furent Bouvier, Segalen, etc.
Il se complaît dans un état de victime mais certaines de ses visions sont des plus réussies lorsqu’il en appelle, par exemple, pour se dire à Rodin : “Rodin a raison. / Comment voir une statue les mains muettes, la mer, sans le sel des embruns sur la langue. / Les vagues sont une épaisse pâte. J’en ai plein les doigts. / À grosses touches, le paysage se donne à ma peau caressée par la grâce. La pulpe chante”.
Tout cela ne manque pas de charme et de justesse même s’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Néanmoins, Jean-Jacques Marimbert assure ses arrières.
Il y a du piqueté et de douces flammes en une traversée qui reste le plus bel hommage que le poète consacre à ses pairs et pères les plus essentiels.
Mécanicien du verbe, se refusant à être fabuliste ou donneur de leçon, il vit sa poésie selon des effets d’arcanes qui prouvent la ruse de l’écrivain et son savoir-faire pour tourner le compliment et ce qu’il cache d’amour de l’art et de l’écriture.
La verve fait taire ce qui, ailleurs, gémit et remue les sophistes.
jean-paul gavard-perret
Jean-Jacques Marimbert, L’herbe folle, Editions du Cygne, Paris, 2022, 58 p.