Alighiero Boetti, L’énigme autodidacte (exposition)

Une fraî­cheur nouvelle

Alighiero Boetti réa­lise des “objets” de maté­riaux non nobles (bois, car­ton, alu­mi­nium) et de manière ins­tinc­ti­ve­ment sur­réa­liste il s’intéresse au hasard, à la mesure, à la dua­lité et la multiplicité.

Il aborde notam­ment ces notions en 1968 avec Gemelli, pho­to­mon­tage qui le montre don­nant la main à son double, et avec l’affiche Sha­man Show­man où son effi­gie est dédou­blée et inver­sée. Ce qui l’entraine à sépa­rer son nom et son pré­nom par la conjonc­tion de coor­di­na­tion “e” de l’ ita­lien : il devient Ali­ghiero e Boetti .
Appar­te­nant sou­dain comme à un autre monde, il est conduit, par la ques­tion du double et du dédou­ble­ment, à une remise en cause des prin­cipes mêmes d’identité et d’individualité de l’artiste.

A par­tir de 1969, Ali­ghiero e Boetti pra­tique le Mail Art avec Viaggi Pos­tali dont il devient un pion­nier. Envoyées à ses proches ou à des adresses ima­gi­naires, ces oeuvres expé­ri­mentent le dépla­ce­ment tem­po­rel et spa­tial dans des jeux croi­sés du com­bi­na­toire et de l’aléatoire.
Il estime bien­tôt que la fabri­ca­tion de ses œuvres pour­rait être délé­guée et il met en œuvre une sous-traitance artis­tique lors de son voyage en Afgha­nis­tan (étape du “hip­pie trail”) en 1971 où il découvre le tissage.

Boetti confie à des femmes afghanes la confec­tion de tapis-tableaux dont sa série Mappa. Il s’agit de pla­ni­sphères en tissu et de grands pano­ra­mas aux motifs colo­rés que l’artiste conti­nua jusqu’à sa mort, en 1994. Cette démarche devient un geste poli­tique qui tra­duit sa concep­tion d’un art basé sur l’effacement de sa sub­jec­ti­vité au pro­fit d’une col­la­bo­ra­tion exté­rieure.
“Pour ce tra­vail, je n’ai rien fait, rien choisi, en ce sens que : Le monde est fait comme il est, non pas comme je l’ai conçu” et d’ajouter “lorsque l’idée de base, le concept, émerge, tout le reste ne néces­site pas de choix”. La ques­tion de l’art fut donc ouverte à une fraî­cheur nouvelle.

Dans les mondes enfer­més sous le sceau d’une forme de folie, l’artiste sut créer du rêve au-delà des “célestes puni­tions” par une sai­sie de la vie, loin de toute fata­lité du nom ou des lieux.

jean-paul gavard-perret

Ali­ghiero Boetti, L’énigme auto­di­dacte, MAMC de Saint-Etienne, du 9 octobre 2021 au 3 avril 2022

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