Ce livre montre — s’il en était besoin — combien Raymond Queneau fit feu de tout bois dans son entreprise encyclopédique, drôle et poétique. Hors des conditionnements, il se place ici du côté des chiffres.
Ils deviennent non seulement partie prenante mais coeur des textes réunis ici.
Le chiffrage s’empare de bien des aspects de la vie et de ses moments. Le 29 mars 1957 parce que, écrit-il, “j’étais en train d’absorber le 5372ème croissant de mon existence (je ne m’y suis mis que tard au croissant, avant mes moyens ne me permettaient que la mie de pain”.
Fournissant des renseignements quant à son alimentation, il précise que les moyennes présentées : “ne comprennent pas le samedi, car le samedi je fais la fête.” Et d’ajouter : “Je me permets le sucre, l’amidon, l’acide iodhydrique, l’anhydride sulfureux, etc… toutes choses que je me refuse dans le courant de la semaine.”
Ce livre devient une suite de tentatives autobiographiques qui s’ouvre sous une ode aux mathématiques “où tout est prétexte aux pirouettes algébriques, où l’ “eggsistence” du narrateur” rythme le comptage.
Ce dernier devient au fil des pages une obsession qui transforme la biographie en ces digressions intempestives.
Raymond Queneau est ici tel qu’en lui-même. Se retrouve la verve humoristique de celui qui fut un des plus brillants membres du “Collège de Pataphysique”.
Chaque texte décale la préhension du monde pour l’ouvrir à une dimension inédite.
jean-paul gavard-perret.
Raymond Queneau, Ma vie en chiffres, Préface de Pierre Bergounioux, illustrations de Claude Stassart-Springer, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2021, 48 p. — 12,00 €.