Jacquie Barral, Blanche page

Axono­mé­trie poétique

Dans la magni­fique col­lec­tion mises en forme et publiée par Danielle Ber­thet, Jac­quie Bar­ral pro­pose un som­met poé­tique, intel­li­gent et drôle (ce qui va sou­vent ensemble).
Pre­nant à bras le corps les “pages blanches” où ne demeurent que les apos­tilles et en un hom­mage à A. Stella, la poé­tesse (et plas­ti­cienne) dit son admi­ra­tion de manière détournée.

L’artiste sté­pha­noise est spé­cia­liste des lignes qui se com­binent ensemble dans un espace consti­tué par la ver­ti­ca­lité et l’interruption hori­zon­tale. Elles jouent et déjouent les limites entre cadre et pla­no­gramme qui devient pli­gramme. Elle prouve ainsi que la for­ma­tion de la mémoire, du lan­gage, de la pen­sée ne peut se faire sans arti­cu­la­tion au moins de deux rap­ports.
Les arti­cu­la­tions présence/absence, pli/dépli, sont propres à toute méca­nique men­tale. Le pli est le méca­nisme qui trans­forme la sur­face de papier et sur elle Jackie Bar­ral ins­taure une per­cep­tion par­ti­cu­lière dans la déli­mi­ta­tion qui reste la règle de la collection.

Elle y invente son propre “géo­gramme” dans l’espace pré­dé­fini contre l’effacement et l’oubli. Et ce qui fut un choc pour Jackie Bar­ral le devient pour la lec­trice ou le lec­teur de son livre. Chez elle, la mise au blanc et au banc de l’écriture passe par d’autres sub­ter­fuges. D’abord par les consonnes. Ne res­tent plus “que des trous et des consonnes abru­ties de sens, du genre : j n t’ m pl s.” Même si dans l’ouvrage seuls les trous demeurent et règnent.
Ce qui n’empêche pas l’auteure de jouer avec ce qui — théo­ri­que­ment — reste : “l’apparition pâle d’un j t’ m nc r , pro­je­tait une crainte dans ce blan­chi­ment inso­nore des a, e, i, o, u. “. Non seule­ment il n’est plus pos­sible — faute de voyelles — de crier, mais l’effacement fait le reste dans une confon­dante “vision”.

Preuve qu’avec l’oeuvre de A. Stella et Jackie Bar­ral, exit les racon­tars. Après les avoir lu : “On s’habituait à lire des pages blanches. On se racon­tait à soi-même sa propre vie. C’était un roman comme un autre.” Non seule­ment une page est blanche mais la page est tour­née. Et ce, pour une régu­la­tion pos­sible des mots et des choses selon un nou­veau type de sophis­ti­ca­tion : aux plis et rem­plis­sages des pages se sub­sti­tue le pliage du lan­gage en axo­no­mé­trie poétique.

jean-paul gavard-perret

Jac­quie Bar­ral, Blanche page, Danielle Ber­thet„ col­lec­tion Apos­tille, Aix les Bains, 2021.

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