Michel Gémignani, Confidences (exposition)

Femmes entre elles

Maîtres des fugues et du montré-caché, Michel Gémi­gniani donne de plus en plus de pou­voir aux corps là où la nature solo­gnote reste le beau pré­texte ou le récep­tacle astu­cieux et pré­cieux pour les jeux des amours plus par­ti­cu­liè­re­ment saphiques.
Mais l’érotisme demeure néan­moins comme en sous-couches même si les ron­deurs des corps rendent celles de la nature rien d’autre que soi­gnantes ou apai­santes, pré­pa­ra­tives et muettes.

Les émois et l’intensité des amours cherchent dans la flore l’âtre de l’extase. Chaque toile devient séré­nade, chant visuel. La pro­fé­ra­tion des formes subor­donne la syn­taxe visuelle des lieux à une puis­sance évo­ca­toire des corps. L’enchantement est là. Dans l’illimitation du vert et du bleu sou­mis à la pal­pi­ta­tion de l’intime auquel la nature tient de lit et de repère.
Et si depuis plus de cin­quante ans, l’artiste inter­roge les com­bi­nai­sons de formes et de cou­leurs et en consé­quence la ques­tion de la pic­tu­ra­lité, se mêle ici celle d’un éro­tisme que l’on oublie trop sou­vent lorsqu’il s’agit d’évoquer un gra­phisme où l’apport des cou­leurs pri­maires ou vives crée des jeux de mou­ve­ments incessants.

Il y a là pré­sence et en même temps effa­ce­ment, si bien que Gémi­gnani devient le peintre de l’instant et d’un ter­ri­toire par essence pro­vi­soire. L’artiste y pour­suit son propre che­min sen­sible et auda­cieux. Il trans­pose les élé­ments per­cep­tibles de l’univers. La cou­leur s’étend tan­dis que des élé­ments « nar­ra­tifs » glissent des­sus — sillages com­pris.
Chaque toile acquiert une grâce. Elle se per­ce­vait déjà dans ses tableaux des années 90 plus nar­ra­tifs peut-être mais tout aussi allu­sifs. Les pas­santes de l’époque, ces pas­santes inter­chan­geables, s’y allègent désor­mais de leurs conve­nances. On ne sait si elles sont deve­nues des sortes d’anges. Pas sûrs…

Gemi­gniani leur fait tra­ver­ser la fron­tière de l’air et de l’eau. Entre les ramures de cou­leurs écla­tantes sur­gissent en gra­phisme les pales haies des sens.
Le peintre y explore par la « peau » de la pein­ture des sur­faces mouvantes.

jean-paul gavard-perret

Michel Gémi­gnani, Confi­dences, Centre Mal­raux, scène natio­nale, Cham­béry, du 20 novembre au 22 décembre 2021.

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