Les textes qui forment le cahier Expérience ont été conçus pour la publication virtuelle sur la Toile. Ils sont donc un exercice de la vélocité, au présent. Cela n’enlève en rien le travail de reconstruction du livret depuis le manuscrit, réservé exclusivement au Web. J’ai pensé que cette aventure littéraire en ligne se rapprocherait peut-être de l’écriture de Pacific 231, sorte de calque de la musique savante sur un objet de la modernité, ici dans le sens inverse, créée pour, vers une technologie comme support.
Je travaille donc au fur et à mesure pour livrer ces textes, qui sont des points de vue parfois abstraits sur ma connaissance du monde.
Ah donne-nous des crânes de braises
Des crânes brûlés aux foudres du ciel
Antonin Artaud
Le réel comme adresse, comme destiné, comme sujet, comme révélation aussi. Celui des eaux froides du petit torrent qui passent du noir au clair, du vert de vessie au brun.
Là où se croisent l’éternel et le futile, considérés comme réalité profane ou élevés par la mystique.
C’est une question de séparation.
Quelque chose tranche, double la perception de ce monde pour le calquer sur la pensée, celle qui se jette sur les objets vrais, cherchant la vérité.
Je guette le monde et j’architecture ma personne. Avec un esprit touché.
Empreinte, décalcomanie de la vision de ce qui m’entoure. Sans exclure ce que l’esprit déforme, informe.
Soleil. Lumière solaire. Énigme de la vie.
La mort peut-être, l’étoile vers laquelle se meuvent les âmes ?
La somme de faits vides aboutit à l’essentiel, au plus près de la structure, du squelette de la présence ? Exister.
Juste en enlevant, en reformulant vers le plus simple, le plus sonore, le plus proche de l’existence, du flux d’exister.
Polarité. Extension du dit, du dit en guise de voir, d’écoute, de sensations physiques, le toucher, le goût. Là réside le monde. Avec ses cycles.
Tiraillements entre l’assurance de véracité de la marche vers le vrai, mais doutant immensément, et la matérialité de l’écriture par exemple.
Activité anéantie. Combustion. Cette image du ruisseau où certains rochers et quelques plantes saxifrages offrent une métaphore vivante de qui reste, c’est-à-dire rien. Il ne restera rien.
Mon nom sera au mieux associé à un titre, un de mes livres portant plus loin que ma mort, mais comme personne je ne suis rien, je n’existe pas.
Aimer les eaux glauques de la Glane, devenir un minéral, une créature moitié aquatique, c’est un beau destin.
Manière de viduité, de retrait, de position zen, sans prétendre comprendre comment je me pense granit couleur rouille, beauté pour tout dire.
Est-ce l’immobilité des siècles qui dévalent dans le torrent, qui suit le cours de la Glane sans doute au milieu des arbres, depuis des milliers d’années ?
Comment sentir quelque chose. Il faut disparaître, pour peut-être être conduit au milieu de la brûlure du soleil. Néant. Rien.
L’eau, le rivage.
didier ayres