Paul Valéry, Ton père errant. Lettres de Paul Valéry à sa fille Agathe

 Tendresse exa­cer­bée  au cœur d’une vie d’écrivain

C’est avec sa fille Agathe, née en 1906 et future gar­dienne de son œuvre, que Valéry prend un nou­veau visage pour beau­coup de ses lec­teurs. Le par­nas­sien sort de sa réserve.
Il par­tage une ten­dresse exa­cer­bée qui demeu­rera au cœur de sa vie d’écrivain.

La sen­si­bi­lité n’exclut pas des remarques moins acerbes que pleines d’humour: “Je t’engage à tra­vailler. Tu n’es pas sans en avoir besoin. N’attends pas que le besoin se fasse sen­tir. Tu fais des fautes qui com­mencent à être assez ridi­cules ; (…) Renon­çons à ces petites ordures gram­ma­ti­cales.” Mais la cor­res­pon­dante n’est pas la seule “vic­time” de l’ironie du poète : “J’espère sur­tout que Mr Co, une fois habillé, ne vou­dra pas que son cer­veau soit moins bien doté que son der­rière. Soyez chics, très bien, mais de toutes parts. Il y en a qui ont les pieds propres et les idées vaseuses. Je pré­fère l’inverse”.

Se dresse ainsi peu à peu un por­tait inat­tendu où se mêlent angoisse et affec­tion vis-à-vis de sa fille. Il mul­ti­plie les sur­noms lorsqu’il s’adresse à elle : Le à “Ma chère fillette” se sous-traite en “Ma chère petite porte-fesse”, “bécasse de Caca­tière”, “Ma chère Tou­toune”, “Ma petite Caca­houette d’un sou”, “Ma petite Pal­lo­tina di Polas­tro”, “Ma chère Cocotte à la coqu”», etc. etc. là où l’auteur signe en dehors du tra­di­tion­nel “Papa” ou d’un paraphe :“Ton père De Claques”, “Merlin”,“Le Direc­teur”, “Emmanuel-Charlot Le Luc Endives, aspi­rant grand-père” et bien d’autres sau­gre­nus patronymes.

Exit la froide rigi­dité qui empèse l’image d’un auteur qui peu à peu dans son his­to­rio­gra­phie s’humanise. A tra­vers  ses mis­sives  affec­tives et par­fois pater­na­listes, Agathe n’a cessé de rece­voir de son père les témoi­gnages d’un amour inal­té­rable dans l’élévation d’un état d’humour dont cer­tains ne pen­saient pas capable Valéry.

jean-paul gavard-perret

Paul Valéry, Ton père errant, Lettres de Paul Valéry à sa fille Agathe, Pré­face de Michel Jar­rety. Repro­duc­tion de docu­ments, Fata Mor­gana, Font­froide le Haut, 2021, 264 p.- 21,00 €.

1 Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies, Poésie

One Response to Paul Valéry, Ton père errant. Lettres de Paul Valéry à sa fille Agathe

  1. Villeneuve

    Il faut aller au musée consa­cré à Paul Valéry der­rière le Cime­tière Marin de Sète pour consta­ter la pous­sière des grandes oubliées que sont les mis­sives affec­tives d’un écri­vain trop sou­vent ignoré et d’un poète qui savait que la poé­sie reste la phi­lo­so­phie de la vie .

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