Didier Ayres, Cahier, “Fragment XXIV ou Le Moi”

Jenaro Pérez Vil­laa­mil, Cripta, 1844.

Le Cahier est issu d’un moment d’écriture qui a pour sup­port un cahier Conqué­rant de 90 pages à petits car­reaux; il est manus­crit jusqu’au moment où je l’écris de nou­veau , cette fois-ci sous la forme d’un texte.
J’y prône la pos­si­bi­lité don­née à l’écrivain de, tout en par­lant de lui, tenir un dis­cours pour autrui.
J’aime la forme “je”, qui a des prin­cipes d’identification aux­quels je prête foi.

Frag­ment XXIV ou Le moi

Je ne m’appuierai pas sur la nomen­cla­ture de l’identité. D’une part parce que je trouve que les trois mou­ve­ments néces­saires à Hegel, lui ser­vant de tech­nique pour don­ner au moi son allure en tout un cha­cun, sont trop méca­niques.
Comme poète, peut-être que cette ten­sion rigide ne me plaît pas.

Et puis, je crois qu’un mys­tère per­siste au milieu de soi, dans le repli du soi vers le même, même qui ne cor­res­pond ainsi qu’à la per­sonne humaine, elle-même agran­die à la taille d’une locu­tion qui vibrionne dans l’âme du sujet.
Il y a donc du langage.

Pour finir, c’est un espace vapo­reux. Où le moi se cris­tal­lise sou­dai­ne­ment sous le regard porté au soi-même.
Agglo­mé­ra­tion des termes. Conte­nant sans forme, contenu dif­fus, abs­trait, gazeux.

Certes, c’est une construc­tion. Une unité. Mais il y a de l’ailleurs, des élé­ments instables, en mou­ve­ment, où l’on ne se recon­naît pas, où une par­tie fra­gile, une écume des jours, une vapo­ri­sa­tion, des épi­thètes trou­blant la coor­di­na­tion des mou­ve­ments liés au même, dont celui de se recon­naître dans autrui, viennent tou­cher au cœur trem­blant du moi.
Cette der­nière valeur étant sus­cep­tible d’évoluer sans cesse et sans science.

Posi­ti­ve­ment, le moi orga­nise une lutte, un com­bat avec sa repré­sen­ta­tion, sa réa­lité. Cet espace du moi se feuillette en minces touches, en petits doutes qui ne sont pas des fac­teurs de recon­nais­sance pure, mais une inquié­tude inté­rieure capable de faire l’épissure avec l’autre moi, le moi-même.
Il est le lieu d’une ren­contre pulsionnelle.

Je suis parce que je pense. Quelle vérité ? Je crois et je croîs. Je croîs parce que je crois. Et la pen­sée en moi se consume, se brûle.
Même les faits objec­tifs ne se conçoivent que par leur réduc­tion opé­rée par le voca­bu­laire, ce der­nier étant la pierre angu­laire du pro­cédé de la recon­nais­sance de soi.

Chambre, céno­taphe. Endroit sombre et glacé.
Là le lieu véri­table du moi en sa fixa­tion défi­ni­tive. 

Didier Ayres

Leave a Comment

Filed under En d'autres temps / En marge

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>