Rachel, le théâtre ou la vie

Une bio­gra­phie roman­cée d’Elisa qui devien­dra la grande comé­dienne Rachel

Je n’en ai jamais douté. Oui, j’ai tou­jours été cer­taine qu’un jour je rece­vrais des fleurs par mil­liers…
D’où me venait cette cer­ti­tude intime ? Du bon­heur, je crois.
Nous étions pauvres… non… misé­rables, nous avions sou­vent faim, mais aussi incroyable que cela puisse paraître aux gens habi­tués au confort, nous étions heu­reux dans notre vie hasardeuse.

Alors qu’elle est souf­frante, la comé­dienne Rachel se sou­vient de son enfance. Ses parents sont juifs et très pauvres. Le père est col­por­teur et la famille arrive d’Allemagne, les enfants accro­chés aux jupes de leur mère, pour vendre leur paco­tille en France. A Lyon, Eli­sa­beth Félix, dite Elisa, et sa sœur Sophie déclament et chantent aux ter­rasses des cafés contre quelques pièces. C’est là qu’elles sont remar­quées par Alexandre Cho­ron, musi­cien célèbre qui dirige une école du spec­tacle à Paris.
Durant deux ans les sœurs sont pen­sion­naires et vivent une période de bon­heur tran­quille. Mais le père, suivi de la famille qui ne cesse de s’agrandir, monte à Paris et les filles doivent s’installer dans un loge­ment exigu et tra­vailler pour nour­rir les petits nés après elles. Sophie quitte rapi­de­ment ses parents, Elisa qui n’a que douze ans doit entre­te­nir tout le monde. C’est une période dif­fi­cile, cepen­dant Elisa a la pas­sion du théâtre che­villée au corps et un don indis­cu­table pour la comé­die. Elle est juive, pauvre, maigre, de consti­tu­tion fra­gile et traîne un accent alle­mand, tout obs­tacle qu’elle sur­mon­tera avec une téna­cité bouleversante.

Cette bio­gra­phie roman­cée suit celle qui va deve­nir la grande Rachel depuis l’âge de huit ans jusqu’à sa pre­mière à la Comé­die Fran­çaise dix ans plus tard. Anne-Marie Pol (auteur d’une qua­ran­taine de livres dont une série à suc­cès sur la danse), avec rigueur pour le contenu et beau­coup de sou­plesse dans la struc­ture et l’écriture, retrace les étapes impor­tantes des pre­mières expé­riences d’une fillette pas­sion­née, volon­taire et for­mi­da­ble­ment atta­chante, dont la devise est « Tout ou rien » ; que ce soit dans les rela­tions fami­liales sou­vent dif­fi­ciles ou lorsqu’elle vit une étrange his­toire d’amour avec un jeune artiste.
Dans un décor pari­sien réa­liste qui fait décou­vrir les quar­tiers pauvres de Paris et les condi­tions de tra­vail des comé­diens de théâtre, on croise des per­son­nages contem­po­rains de Rachel, écri­vains ou acteurs, tels que Fre­de­rick Lemaître, Made­moi­selle Georges ou Alfred de Mus­set. La vie quo­ti­dienne des enfants, à l’avenir sacri­fié pour sub­ve­nir aux besoins de leur famille, est aussi lar­ge­ment évo­quée.
Un roman riche et pas­sion­nant que les lec­trices ado­les­centes devraient apprécier.

patri­cia chatel

Anne-Marie Pol, Rachel, le théâtre ou la vie, Flam­ma­rion (coll. “Grands for­mats jeu­nesse”), février 2010 — 360 p. — 13,00 €.

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