Petite phénoménologie du quotidien
L’exigence de la poésie contemporaine prend chez Gallimard un caractère particulier voire erratique. Parcourir le nouveau livre d’Etienne Faure le prouve.
Cela revient à découvrir de quoi satisfaire le regard et une certaine psyché. Mais tout se réduit à un profil sanitaire par rapport au monde.
La lecture reste plaisante et aisée. L’ensemble devient un modèle d’une petite phénoménologie du quotidien. L’humour est là dans un esprit qui peut rappeler parfois l’univers de Brassens mais de manière plus édulcorée. Les bancs publics ici sont bien moins des navires où chavirer.
Mais, à l’inverse, le monde s’ouvre jusqu’aux tropiques humides et fruités avant de revenir à des campagnes et des villes moins foraines.
L’ensemble reste plaisant mais ne mange pas de pain. Exit expérimentation ou recherche. Il y a une limite à tout état de conscience un peu compliqué mais reste juste le plaisir d’entrer dans une manière de cadrer, découper, figer, composer. Bref, de jouer un peu gratuitement sans le risque que le monde se dérobe sous nos pieds.
Tout demeure proche du chant et moins contraint par le sens. Et ce, dans la suite des vers et proses de La Vie bon train, sous-titré “proses de gare”.
Le clin d’œil est toujours là à la recherche d’un “savoir-vie”. Il veut offrir un peu d’air à la façon d’être dans une affaire de souffle que les formes choisies par le poète font résonner “non par volonté mécanique, mais impérieuse nécessité physique, pour arrêter la fuite en avant des mots”.
Certes, le poète n’est jamais à bout de souffle. Il sait s’économiser. Trop peut-être. Exit toute adversité.
En dépit de ses déplacements, le corps ne change pas de “nature”. Le poète va à la rencontre des buissons, des ruisseaux, des rues en regardeur amusé et dilettante.
Reste au mieux un art de la fugue en de telles promenades d’un rêveur solitaire. Il “fait” des paysages en attendant que “la belle image” ou le pic d’esprit surgisse comme seul exercice de volupté.
Tout se met à bouger juste ce qu’il faut mais une telle lecture est (trop) vite oubliée.
feuilleter le livre
jean-paul gavard-perret
Etienne Faure, Et puis prendre l’air, coll. Blanche, Gallimard, 2020.