L’écriture de Cécile Odartchenko ne se situe pas dans l’indicible mais dans la matière même des émotions et de la sensualité.
Qui de plus jeune qu’une telle octogénaire, amoureuse impénitente et dont l’intelligence comme l’écriture reste d’une acuité extraordinaire ?
La créatrice s’empare des arpents de tout ce qu’elle a vu et connu afin de créer son propre ordre et désordre mental afin d’en retirer ce qu’elle métamorphose dans un langage mobile. Il devient la métaphore agissante et obsédante de l’existence.
Et même le confinement n’a pas eu raison de sa faim de vivre : son journal Confins (- mars, avril, mais 2020, les Adjots) demeure pour le prouver.
Sans exhibitionnisme mais sans fausse pudeur, l’auteure dit tout : les terreurs éprouvées concernant son propre corps et le désir de ce qui différencie la femme de l’homme : «cette pièce essentielle à mon édifice, le mât de ma barque». Les mâles - on le comprend — traversent son Journal et l’histoire de sa vie telle quelle se sublime plus qu’elle ne se décline dans “Une femme heureuse”.
Amants ou épistoliers, compagnons en poésie et en arts sont là pour le meilleur et pour le reste aussi. Au nom de l’injonction première : pleurer et jouir.
Dans ce maelstrom — et comme tout être — l’auteure traduit sa boulimie existentielle. Elle accepte et revendique ce que beaucoup prendront pour de l’égarement mais qu’importe.
L’intimité est là — sexuelle mais pas seulement.
Cécile Odartchenko sait combien ceux qui, pour des raisons de confort, de lâcheté ou de manque à vivre ignorent les raisons du corps et de la pensée. L’auteure refuse toute abdication.
Restent un magma d’existence, un tremblement vital. Les mots en débordent dans de tels livres de désir lancés vers l’autre.
Afin que les cœurs battent encore la campagne, même en période de confinement.
jean-paul gavard-perret
Cécile Odartchenko,
- Journal (1999/2003), Propos2éditions, 2020, 600 p. — 28,00 €.,
– Confins, même éditeur, 2020, 102 p. — 15, 00 €.