Le dernier livre de Silva Baron Supervielle est sans doute le plus abouti, lumineux mais tout autant ténébrant. Il recèle un je ne sais quoi d’un sentiment de testament anthume où les accents lyriques ne sont jamais fortuits.
Et la femme debout à sa fenêtre qui regarde la ville entrer dans la nuit ne peut que nous toucher et nous atteindre au moment où le confinement nous a entraînés dans un exercice de passivité.
Mais, pour autant, ce texte n’a rien d’un journal de bord de la Covid. Il propose un voyage autant hors du temps que dedans et à travers les déplacements géographiques que cela implique.
Derrière la vitre, les souvenirs reviennent : Paris c’est Montevideo, et la Seine Rio de Plata.
Le tout dans une quête. Le texte n’est en rien un retour arrière, un mémoire mélancolique. Arrimé au présent, et au milieu de la fuite des jours il ne s’agit pas seulement de “réimager” les paysages perdus mais, au moment où l’ombre poursuit de plus en plus les jours, de guetter — par delà traces et choses vues — l’inexistence qui, dit la poétesse, “est aussi contagieuse que l’existence”.
C’est ce que ressentent en effet et plus que les autres les solitaires. Ils font l’expérience du silence et face à eux-mêmes ils ont parfois l’impression que leur ombre les remplace et qu’ils peuvent même disparaître dans ses vacillations. Et ce, là où le livre ce termine sur ces mots :
“C’est le temps de la Fin qui révèle la vision
L’heure vient où je ne vous parlerai plus en figures
Qui donc aurais-je été dans le ciel ? ”
Mais le temps de répondre n’est pas encore venu et les signes avancent tant que faire se peut.
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jean-paul gavard–perret
Silvia Baron Supervielle, Le regard inconnu, Gallimard, collection Blanche, Paris, 2020, 110 p. — 12, 00 €.