Marie-Philippe Deloche & Philippe Bouret, De si longtemps avant les mots

 L’art de la conversation

Lun(e) parle parce que l’autre vient de lui écrire. Et cela tourne vite à une conver­sa­tion addic­tive.
Sans aller jusqu’à “l’entretien infini” chère à Blan­chot, néan­moins la ques­tion du désir fait corps — mais de manière subtile.

Il est vrai que les deux émis­saires sont psy­chiatres et psy­cha­na­lystes . Si bien que, pour eux, croire que le “désir s’attrape par la queue” (Picasso) reste un peu court.
Pour le sai­sir, ce n’est pas seule­ment l’audace qui est néces­saire. Il faut à sa prise emprun­ter des che­mins laby­rin­thiques. Les auteurs s’y emploient.

Il y a là des absorp­tions dans un cer­tain noir et des effets brouillard. C’est sans doute l’idéal pour la “cau­se­rie des ombres” là où cha­cun “adresse” des sortes de conseils à l’autre. Rien pour autant d’un mari­vau­dage dans ce jeu de “repons” tout en finesse.
Cha­cun à sa manière “efface la lettre / pour mieux / la rendre visible”. Le jeu est pré­cis et à fleu­ret moucheté.

Exit les pan­go­lins et les Notre-Dame en flammes. Nous sommes dans le lieu du lieu au sein de jours sor­ciers qui per­mettent aux deux auteurs de dan­ser ensemble. Mais de loin.
C’est une manière de mettre du récit dans les his­toires qui sou­vent — à ce qu’on dit — finissent mal.

Ici tout demeure bien plus doux qu’amer et les contes cruels sont effa­cés au pro­fit d’une poé­sie où se dit l’imprononçable du désir — sur­tout le fémi­nin.
Rien ne s’entrechoque mais coïn­cide et ce, même lorsque les deux cor­res­pon­dants res­tent dans leur angle.

Résu­mons : ici le désir ne fait pas nau­frage, il fait son calen­drier où Robin­son Cru­soë et Ven­dredi (les deux rôles n’étant pas défi­nis) écha­faudent d’audacieuses archi­tec­tures dans le haut domaine de l’amour et de ce qu’il engage dans le corps et le coeur par le fou­droie­ment poé­tique avec “un peu de sel / sur l’os du réel / Ou rien”.
A bon entendeur…

jean-paul gavard-perret

Marie-Philippe Deloche & Phi­lippe Bou­ret, De si long­temps avant les mots, Edi­tions uni­cité, coll. Le Vrai Lieu, 2020, 182 p. — 16,00 €.

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