A recommander pour tous ceux intéressés par la culture et l’histoire polonaises
Ce coffret contient cinq films du grand cinéaste polonais, qui étaient restés inédits en France, et deux compléments destinés à mieux faire comprendre son parcours aux spectateurs. Les films remontent à la période où Kieslowski a cessé de tourner des documentaires, ayant pris conscience du fait que filmer des gens ordinaires revient inévitablement à influer sur leur vie.
En passant à la fiction, au début des années 1970, il reste encore relativement proche du style documentaire : Premier amour en témoigne le plus clairement, ressemblant à s’y méprendre à un reportage sur un jeune couple qui doit affronter les conséquences d’une grossesse imprévue. Entre le moment où la lycéenne explique à un médecin qu’elle voudrait avorter, et la naissance du bébé, on suit les protagonistes à travers toutes les épreuves obligées, dont le problème du logement n’est pas la moindre.
Cependant, Kieslowski traite ce sujet d’un point de vue qui dépasse la problématique sociale, et parvient (en moins d’une heure) à faire de ses protagonistes, a priori banalissimes, tout autre chose que l’illustration d’un cas répandu — on reconnaît déjà, dans la subtilité de ce film, le grand cinéaste qu’il deviendra par la suite.
Passage souterrain, en noir et blanc, où un professeur essaie de récupérer la femme qui l’a quitté, nous frappe par sa perfection formelle tenant autant au scénario (virtuosement elliptique) qu’à la façon de filmer ; on regrette seulement la brièveté de ce film (29 minutes).
Le Personnel, en revanche, semble moins maîtrisé et trop univoque, restant en deçà du potentiel de son sujet : la différence entre l’idée que peut se faire du monde du spectacle un adolescent épris de théâtre, et la vie quotidienne dans les coulisses d’un Opéra de seconde zone. Le film pèche surtout par le choix d’opposer le “personnel technique“ aux artistes et aux cadres, en réduisant l’action en occasion de montrer un conflit de classes.
Une thématique comparable est traitée de façon bien plus complexe dans La Paix, où Kieslowski individualise davantage son protagoniste, Antek, un homme simple qui sort de prison et ne demande qu’à mener une vie modeste où il aurait “la paix“ — ce qui s’avère finalement aussi difficile que d’accomplir un rêve fou. Ce film est l’un des plus beaux du coffret, associant un discours sur la réalité polonaise de l’époque à un lyrisme particulier, tantôt touchant, tantôt poignant, qui confère à l’action un aspect universel, quasi métaphysique.
Une brève journée de travail, où le Secrétaire d’un Comité régional du Parti se justifie devant Solidarnosc, en 1981, de son comportement pendant les émeutes ouvrières de juin 1976, retient notre intérêt surtout à titre de “document“ historique : ce film nous renseigne non seulement sur les événements en question, mais aussi sur la manière dont on pouvait se permettre de les représenter avant la fin du régime communiste. On reste ébaubi, entre autres, par l’audace de Kieslowski consistant à montrer des scènes de tabassage dans les locaux de la police. Les compléments réalisés par Gérard Pangon, dont un entretien avec Jean-Yves Potel, spécialiste de l’Histoire polonaise des années 1970–1980, apportent des informations utiles pour situer les films dans le contexte de l’œuvre de Kieslowski et des événements marquants de ces années-là.
Ce coffret est à recommander à tous les admirateurs du cinéaste, mais aussi au public non-cinéphile qui s’intéresse à la culture et à l’Histoire polonaises.
agathe de lastyns
Krzysztof Kieslowski, Premiers plans, coffret de 2 DVD, Montparnasse, mars 2011, 5 h. 43 mn.- 20,00 €