S’il faut chercher un sentiment général à l’égard de la lecture de MALP ! sous-titré : Mort à la poésie, de Margaux Frasca, je dirais qu’elle ne se clôt pas sur elle-même.
Elle conduit à des arrière-corps – comme on le dit en architecture – qui ne s’ouvrent pas sur les chambres habituelles de la poésie, une métaphysique entendue de l’âme, de l’amour sacré ou de l’intellection outrancière, mais sur une arrière-cour où pourrissent les déchets, où fermentent des odeurs sales, tout ce que notre société refoule, cache, tient au secret oserai-je dire.
Et cela importe beaucoup car il faut chercher d’autres images, ne pas abonder dans des images d’Épinal, regarder où la poésie n’a pas de demeure, afin de trouver une autre puissance, au sein gras de la matérialité de notre existence. Car pour finir, la réalité est souvent scabreuse, insane, et la poésie fouille peu ces territoires de l’abjection.
Cette démarche m’a semblé être plus retenue dans la première partie du livre, mais se poursuivant dans la deuxième avec plus de radicalité. Entrant en quelque sorte en résonance avec ce que Bachelard cherchait : l’aventure de l’imaginaire, dans son étude du feu, ou encore dans celle de la terre et ses rêveries.
J’ai songé à cette belle citation de Prévert, que je rapporte de mémoire : « derrière les choses, il y a des choses ». Ou aux influences du surréalisme des Champs magnétiques, ou à celles de Lautréamont dans le quatrième paragraphe du chant IV de Maldoror.
Est-ce au reste une bifurcation des études derridiennes, déconstruisant ici le tout-venant métaphysique sans surprise de beaucoup de poèmes ? Est-ce que cette mort de la poésie se rapporte à un dieu mort ?
Je conclurai en mettant en parallèle ce livre avec les expérimentations des plasticiens Mouron et Rostain, lesquels dans une exposition intitulée Paparazzi, ont traqué les déchets des « peoples » pour les exposer comme trésors de notre société de consommation et de gaspillage.
Alors arme-toi poète ! Ou plutôt désarme-toi, nie les tempêtes subliminales, les lunes moisies et les coursives des saisons. Plonge dans cet autre monde si réel plus réel que le réel surréel qui t’offrira des voyages bien plus intenses dans ta sueur statique. Fige-toi entre deux mondes, oublie les cabinets de verdure et les brousses tigrées, défie pour une fois ta soumission aux mouvements foncteurs, inonde tes yeux de vitesse, de la vitesse, des imageries, troque les palabres pour un dansé du doigté. (MALP ! p. 11)
didier ayres
Margaux Frasca, MALP ! suivi de Journal de rue, éd. Cormor en Nuptial, 2020, 62 p. — 10,00 €.