Le curé défroqué d’un petit monde littéraire
Les Belles Lettres contribuent à publier des livres inconnus d’écrivains qui firent une certaine modernité parfois conséquente. Murray en était. Mais son Journal intime suinte d’une sourde acrimonie — et c’est peu dire.
Il souffrit de ne pas être aussi reconnu qu’il l’estimait et devint jaloux de celles et ceux qui bénéficièrent d’un succès qu’il ne connut jamais. D’où, entre autres, des pages à la limite de la calomnie envers Catherine Millet qui fit beaucoup pourtant pour lui.
Celui qui fut un essayiste et polémiste brillant et un romancier secondaire bascula peu à peu dans l’amertume parfois crasse voire “merdeuse” au sens premier du terme. Basculant d’une extrême gauche à la case opposée de l’échiquier politique, abandonnant ceux qui l’avait aidé (de Jacques Henric, à Sollers et même à BHL) il en devient auprès d’une égérie douteuse (Elisabeth Lévy) le pourfendeur.
Il brûle les amitiés passées de manière pitoyable tant se font sentir moins des arguments “rationnels” que le poids de la rancoeur.
Cet important corpus en pâtit. De telles vaticinations en rien farcesques réduisent l’ensemble à un ramassis de ragots et son écriture croupit dans un marigot que l’auteur se complaît à rendre plus pitoyable qu’il fut. Et ce, dans une attitude valétudinaire plus qu’atrabilairement conséquente. Celui qui voit partout des crapules, des plagiaires, des valets renvoie à sa propre psyché à travers de tels portraits au soufre souffreteux et délètère.
Se prétendant descendant d’une haute lignée de noblesse, il se rabaisse dans cette somme somatique à un ramassis de ragots envers ceux qui furent ses amis (Scarpetta, Henric et Millet dont leur “Art Press” prend de manière gratuite des volées de bois vert ).
Le baron noir est souvent pitoyable. Ne reste dans ces pages que la face la plus mesquine d’un auteur haineux et mégalo. Il perd ici ses dernières dorures sous des stucs minables prétentieux et radoteurs. Mais c’est sans doute la loi d’un petit monde littéraire où Murray se rêva souverain poncif et dont il ne fut que le curé défroqué.
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jean-paul gavard-perret
Philippe Muray, Ultima Necat III, Journal intime (1989 — 1991), Les Belles Lettres, Paris, 2020, 656 p. — 35,00 €.
Merci. On va s’éviter un inutile livre…