Carole Carcillo Mesrobian, Ontogénèse des bris & Fem mal

“Taire l’espace résout la chute”

Carole Car­cillo Mes­ro­bian ne triche pas sur son iden­tité. Elle dresse par sa poé­sie une vision en pro­fon­deur de qui elle est. Même par­fois en un por­trait en creux : “je ne suis pas le cris­tal des roses des matrices pon­deuses”.
A l’inverse, elle a affronté des obs­tacles jusqu’à “rava­ger le dos des baleines d’acier” et “grim­per des abysses” de soli­tude pour tenir au nom de l’amour qui la cheville.

Elle sait se don­ner et le prouve dans une poé­sie à forte sen­sua­lité dis­crète et pré­gnante. “A l’orée de la langue” char­gée de sel et au sein d’une “endu­rance vaga­bonde”, l’écriture est foi­son­nante.
Le choix du voca­bu­laire pré­cieux crée un lyrisme par­ti­cu­lier dans lequel il s’agit de “dire des mots pour être libre de les dire”.

Fem mal devient le ver­sant rageur de l’amour au moment où la sépa­ra­tion crée un mur infran­chis­sable et irré­duc­tible. L’homme y devient pré­da­teur et la femme vic­time. La créa­trice pro­pose une réponse à cet état de fait et signe une révolte et un contre-feu. Tout se ren­verse pour le sou­li­gner : l’écriture comme le des­sin deviennent eux-mêmes blancs sur fond noir.
Onto­ge­nèse des bris est plus apaisé. L’altérité prend une autre dimen­sion dans ce qui tient d’un éter­nel retour de l’amour et “la cap­ta­tion des espaces de chair”. Certes rien n’est for­cé­ment rose. Et ce au nom d’un axiome incon­for­table et impé­rieux.
L’étonnement donne la sen­sa­tion d’avancer dans l’exploration éro­tique : contre le jour au besoin, la créa­trice entend la forge du désir, y cuit dans le souffle qui fait jouir, vivre, aimer, souffrir.

La femme par­fois est défaite, mais ces deux livres font loi et élèvent le couple au-dessus de lui-même. La créa­trice peut donc se voir reine — même si elle ne le dit pas aussi expres­sé­ment. Reste cet essor majeur pour des chutes somme toute mineures. Il suf­fit que cha­cun s’avise de prendre son tour en un bel échange qui ouvre en deux.
Pour autant, l’écart des mots et des lèvres ferme par­fois le temps des amours. Le cri se forme en guise de conclu­sion. Mais elle reste tou­jours pro­vi­soire tant que la mort ne “scalpe les grains du sablier”.

A ce titre, les mots demeurent fort — du moins tels que Carole Car­cillo Mes­ro­bian s’en empare.

jean-paul gavard-perret

Carole Car­cillo Mes­ro­bian,
- Onto­gé­nèse des bris, avec Wanda Mihu­leac (des­sins), PhB édi­tions, Paris, 2020, 50 p. — 10,00 € ,
Fem mal, les édi­tions Tran­si­gnum, Paris, 2019, non paginé.

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