Elya Verdal déplace les registres de l’eros. Elle sait mettre le point sur le i du désir et en transmettant la pulsion par ses mots à travers divers champs et sur le clavier de tous les sens. Au besoin, la poétesse en retaille les harmoniques là où rien n’est coulé dans le marbre. Avance — dans la mélodie de la pente à parcourir à deux — la note bleue qui vibre entre la cuisse et la main.
Dans l’impossibilité de ne pas céder au plaisir se brassent les mots et les gammes d’une poétesse dont les duos amoureux evitent pathos, longueurs et éternités.
C’est plutôt bon signe.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La joie de la découverte, la curiosité du renouveau. L’odeur du jaune d’oeuf qui dore les galettes au sésame de ma mère.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils prennent vie en ce moment. J’écris de la poésie depuis mes 14 ans. Je vais lire et faire vibrer ma poésie sur scène dans quelques jours. C’est une joie folle pour moi.
A quoi avez-vous renoncé ?
A rien. Je suis une éternelle optimiste doublée d’une chanceuse. J’ai le cul bordé de nouilles. D’où son format sans doute ! J’ai accompli de nombreux rêves et en même temps je suis heureuse avec peu. Mes amours, mes poules et mon potager.
D’où venez-vous ?
Je suis berbère du Maroc, née en France et je vis à Bruxelles. Mon coeur est imprégné de la littérature française qui m’a donné le goût de l’écriture et de la liberté.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La bienveillance, l’honnêteté de ma mère, le sens du travail et de l’engagement de mon père. Je les ai d’ores et déjà transmises, ces valeurs-là, à mes fils. Ma plus grande fierté.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Écrire, écouter Schubert ou Eminem, un truc sucré, le sorbet à la framboise. Je suis gourmande.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres poètes ?
Je ne sais pas. Dites-moi, vous ! Il y a peu de femmes. Je n’aime pas le mot poétesse, ça tombe bien. Je suis entre l’ultra-romantique et l’intégralement débridée, c’est atypique non ?
Comment définiriez-vous votre approche de l’éros ?
Il y a pour moi de la sensualité et de l’érotisme partout sauf dans ce que l’on a l’habitude de nous déballer sous le nez. L’érotisme est ailleurs que dans le déballé, ficelé, accessoirisé. Il est dans le coucher du soleil, dans un souvenir, dans un plat qui évoque un goût particulier, l’odeur des plants de tomates sur les mains qui s’accroche comme celui du parfum d’un homme.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Vers 14 ans je reproduisais des dessins de Schiele. J’aimais sa provocation alors que je ne savais rien de la sexualité.
Et votre première lecture ?
“Le grand Meaulnes”. Plus tard Apollinaire et ses lettres ont longtemps résonné.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Schubert, Eminem, Gainsbourg, Nirvana, Patti Smith. Du classique au rap en fonction de mes états d’âme.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Femmes qui courent avec les loups”. Ma bible. Je peux l’ouvrir à toute page et me souvenir pourquoi je cours.
Quel film vous fait pleurer ?
Je pleure facilement. Les comédies dramatiques françaises, j’en suis bon public. Récemment Celle que vous croyez. La désespérance de cette femme m’a émue.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une femme douce, vulnérable mais forte. Quel combat de rester douce pour une femme…
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A mon père, mon frère aîné.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La maison de mes grands-parents maternels est sacrée dans l’Atlas marocain. J’y ai eu mes premières émotions olfactives. J’ai un feu de bois aujourd’hui chez moi pour revivre l’odeur du crépitement.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
J’aime les femmes artistes. Je les trouve d’une bravoure folle. Jacqueline Devreux est étonnante de jouvence, d’énergie, de folie joyeuse. Lisette Lombe est poète aussi, elle évoque aussi cette force rebelle inspirante pour moi. J’aime à relire Anaïs Nin, Rilke ou Colette.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Des légumes, fruits qu’on a cultivés. Un ami m’a offert en juin des fraises des bois minuscules cueillies par ses soins, j’étais très émue. Je suis née le 1er juin, parfait pour des pivoines aussi, mes fleurs préférées.
Que défendez-vous ?
Aucune cause au sens large assez régulièrement. Mais, à mon humble niveau, j’essaie de limiter les dégâts sur la planète, je me rapproche de l’autosuffisance grâce à mon potager et mes poules. J’aide mon prochain autant que possible, au quotidien, sans connotation religieuse.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Non, suis pas pour. L’amour c’est tenter de veiller l’un sur l’autre hors névroses. Pas simple. Ca demande toute une vie.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Oui j’aime. J’aime dire oui. Et même : Oui. Le point est important. Existe t il un mot plus érotique que oui ?
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Si je suis heureuse ? Oui chaque jour différemment mais de mieux en mieux !
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 15 juillet 2019.
Un optimisme communicatif . Et Berbère de l’Atlas marocain c’est un signe divin !