Une surprenante dernière salve de nouvelles noires de Hammett par J.-C. Zylberstein.
Avec la publication de ce nouveau recueil, Jean-Claude Zylberstein pose une dernière pierre à son vaste travail d’édition des nouvelles de Dashiell Hammett. Francis Lacassin avait préfacé le précédent recueil (Sam Spade et autres histoires de détectives, La Découverte “Culte fiction”, avril 2004) ; les dix nouvelles de celui-ci ont été réunies et présentées par Nathalie Beunat - “éminente spécialiste de Hammett”, dixit Zylberstein himself - qui avait déjà effectué un remarquable travail chez 10–18 avec deux volumes de haute facture (Histoires de détective vol. 1 & 2 dans la collection “Domaine étranger”, avril 2002).
Dans ce volume, complémentaire des trois autres, on ne retrouve pas Sam Spade, héros légendaire du Faucon maltais de Dashiell Hammett. On ne retrouve pas non plus, ou si peu, le détective de l’Agence Continentale, le fameux Continental Op (En fait, il n’apparaît que dans la dernière nouvelle, Tom, Dick or Harry traduite par Un inconnu dans la maison — une sorte d’hommage, sûrement…). On découvre un Dashiell Hammett très différent de celui que l’on connaît. Ici, les chutes des nouvelles et leur originalité prennent le pas sur l’écrivain de La Moisson rouge.
Ainsi dans “L’Ange du second étage” (“The Second-Story Angel”) on assiste à une des plus belles arnaques du crime commises à l’encontre de pauvres auteurs en mal de reconnaissance. “L’Homme qui tua Dan Odams” (“The Man Who Killed Dan Odams”) permet au hasard - cruel ? - de retourner une situation que l’on espérait sauve. Toutes ces nouvelles donnent un nouveau souffle au père du roman noir. Les thèmes sociaux y sont récurrents. Une teinte d’humour noir s’y ajoute (bien qu’elle ait déjà été présente dans toute l’œuvre, on la sent, ici, renforcée).
Cette lecture fait irrésistiblement penser à Fredric Brown, autre nouvelliste génial, spécialiste de la very short story (certaines de ses nouvelles ne font qu’un paragraphe ! À quand une réédition des principales, M. Zylberstein ?) et dont la chute est toujours à couper le souffle, comme ici.
L’ouvrage — le dernier dont s’occupera Jean-Claude Zylberstein, à son plus grand regret nous assure-t-il - propose aussi une chronologie et, surtout, une dense bibliographie. Les amateurs de Dashiell Hammett doivent certes se précipiter chez leur libraire pour accaparer À la morgue et autres histoires noires, mais ils pourront aussi se plonger dans sa correspondance, publiée sous le titre La Mort c’est pour les poires (Éditions Allia, 2002) et traduite par l’omniprésente - quand il s’agit de Dashiell Hammett - Nathalie Beunat, qui a par ailleurs signé un ouvrage de référence aux Éditions Encrages en 1997, Dashiell Hammet, parcours d’une œuvre et traduit le magnifique et richement illustré Album de famille de Jo Hammett chez Rivages en 2002. Et les amateurs auront soin de ne pas oublier l’ensemble de l’œuvre fictionnelle de Hammett, sans laquelle on sentirait vraiment un manque dans la littérature.
julien védrenne
Dashiell Hammett, À la morgue et autres histoires noires (traduit par Marie-Christine Halpern), La Découverte coll. “Culte fiction”, février 2005, 191 p. — 10,50 €. |