Anne-Marie Jeanjean propose une suite de textes envoûtants qui ondulent entre le rêve (ou le cauchemar) et la réalité. L’ensemble est hypnotique.
Reste en filigrane l’image du Samouraï qui peut tout couper sauf le temps et ses échos primitifs et sourds.
Le “Brise lame” n’est pas forcément un brise larmes. Néanmoins, la douleur — omniprésente et lancinante — n’emporte pas tout vers le chaos. Quelque chose résiste : la langue. Elle taille dans le vif en évitant le pathos — et il y avait là pourtant tout pour cela. Mais l’auteure tient face au possible marasme, avance. Elle prend le temps de tout métamorphoser sans laisser filer le poids de telles visions.
Au milieu des foules — de proches ou non -, la narratrice progresse parmi ses traces et sa “moisson de ténèbres” que suit un “ne pas” avant que “la marionnette (bien plus tard) arrive à tenir debout”. Sur le noir, l’auteure traverse l’existence pour naître ou renaître au milieu de l’histoire des souffrances.
Celles des autres comme celle de la créatrice qui laisse entrevoir “l’espace d’un sourire” au coeur de visions qui ne se rencontrent pas ailleurs.
jean-paul gavard-perret
Anne-Marie Jeanjean, Sans — brise-lames, L’Harmattan, coll. Levée d’Ancre, Paris, 2019, 124 p. — 15, 50 €.