Louis Savary, Cave Fatum

L’envers de l’en droit

Louis Savary pour­suit sa sai­sie de l’existence en ses apho­rismes. Ils s’attachent ici à une sorte d’essentialité avec laquelle les livres se débattent depuis que le Verbe existe : celle — dis­cu­table et que l’auteur dis­cute — du des­tin. L’humour qui est la marque de ses livres devient plus sombre puisque ce concept reste “ce pré­da­teur qui niche dans nos têtes”, nous assaille et nous ronge. Il s’agit en effet de ce qui tient “au bout du conte” en repré­sen­tant un “futur déjà dépassé”. Dès lors, que resterait-il à l’homme sinon d’errer — d’autant qu’un tel concept est un gou­rou aux cents visages et autant sans visage ?
Il demeure sou­vent ce vers quoi l’être se retourne en reve­nant à lui faute d’autres res­sources. Il figure une sorte d’image du déses­poir puisque face à lui on ne peut rien. Néan­moins, ten­tant de rele­ver la tête Savary l’évoque aussi en tant que “mythe ana­chro­nique”. Il suf­fit d’oser “mor­diller sa muse­lière” ou — mieux — pas­ser outre. Et, d’une cer­taine manière, le poète s’en empare afin qu’une telle notion perde son droit de cité.

Certes, Savary reste pris dans ses rets mais il sait que ses mots peuvent faire obs­tacle au fatum. Et si “le des­tin n’a pas besoin d’un plan de car­rière”, le vaincre est une sorte de devoir. Il ne se suf­fit pas de l’exercice d’imbécillité de l’écriture afin de per­mettre de l’enrayer et de ne pas y croire. Il faut néan­moins du temps pour com­prendre que le des­tin n’est pas un concept mais “soi”.
Dès lors, accep­tant cette “nou­velle” donne, l’homme peut refu­ser ce cirque du des­tin où il n’aurait que le rôle de “clown triste” pour  faire quelques tours de pistes. Savary même s’il estime être “devenu poète grâce au des­tin” et l’est resté, apprend à se déga­ger des “croyances impro­bables” dont cette notion “engorge nos cer­velles”. Sa pré­dic­tion n’est que celle d’une force exté­rieure. Elle n’engage que ceux qui s’en font le jouet, bref c’est une autre image de Dieu : “plus on y croit,  plus il existe”. Qu’ajouter de plus ?

jean-paul gavard-perret

Louis Savary, Cave Fatum, Edi­tions les Presses Lit­té­raires, 2018, 102 p. — 15,00 €.

Leave a Comment

Filed under Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>