« Atteindre en mots une certaine intensité de vivre, voilà ce que je demande à un poème, un livre » écrit Antoine Emaz. Et ce qu’il attend d’un texte, il en fait sa propre poétique. Elle évite tout ce qui est dispendieux ou anecdotique : si bien que “D’écrire” ne se limite pas à “S’écrire “. Tout se situe dans l’exercice de la brièveté et la passion du réel.
Sans lui la poésie n’est rien mais Emaz ne prétend pas l’alpaguer par la première mouche venue. Cela nécessité une ascèse et un effort de distanciation pour être paradoxalement plus à soi comme aux autres là où le ressourcement au passé n’a jamais rien de nostalgique. C’est un humus qui nourrit ce qui arrive et pousse à l’élan « souvent préparé par une longue patience. »
Et si ce qui se dit ne s’écrit qu’en avançant et en « s’effaçant », tout — du moins beaucoup — provient de tréfonds d’où peut jaillir une forme primitive là plus en adéquation avec la sensation et l’épreuve de la vie. Le métier d’écriture les dégage peu à peu des illusions d’optique et des myopies.
Le poème se crée donc dans et par le temps. Il ne s’agit pas pour autant de croire atteindre une vérité mais une justesse dans l’interrogation d’être dont tant d’hommes font abstraction — histoire peut-être de dormir et mourir plus tranquille. Mais Emaz préfère tenter de comprendre de quoi notre passage est fait et ce qu’il recèle.
jean-paul gavard-perret
Antoine Emaz, D’écrire un peu, Aencrages and Co, np, 2018 — 15,00 €.