En 2010, Marco Martella a créé la revue « Jardins ». Il situe sa vision d’un tel lieu selon une dimension particulière. Il ne cherche pas forcément à en analyser les avant-gardes tel que le paysagiste trop tôt disparu Yves Brunier les avait esquissées dans les années 80. Mais il ne le limite pas pour autant à un simple espace de nature, de biodiversité. Le jardin se transforme chez lui en un espace quasiment philosophique et surtout poétique.
Certes, l’auteur, sa revue et son livre arrivent à point nommé au moment où le jardin revient à la mode. Jusque dans les écoles parisiennes, le macadam est arraché afin de donner place à des espaces verts en tant que lieu de récréation. Et l’auteur réinvente le génie d’un tel lieu. Il en réenchante l’ombre et le retrait comme les chemins de traverses afin de souligner les aspects profonds et invisibles. Martella se fait ainsi paysagiste et jardinier, botaniste et historien et — comme écrit plus haut — poète.
Entre divers savoirs et une sensibilité attentive, il poursuit son exploration des liens entre un tel lieu et l’être humain. Ce petit monde est-il un monde parfait ? Pas forcément mais s’y fomentent liberté et subversion face à un univers figé et uniforme. Dans un tel lieu se crée forcément un exercice de patience et de lenteur.
L’homme y retrouve les liens qui l’unissent au monde premier aussi bien à travers les jardins de Versailles où se trouve l’Ecole Nationale du Paysage que dans des sites moins somptueux voire en friches et dans l’ombre d’écrivains (de Chateaubriand à Hermann Hesse) ou d’enchanteurs du paysage (Cottingley, Jorn de Précy).
Le jardin prend de nouveaux contours à travers les mots d’un créateur attentif à ce que le lieu produit ou peut produire. Pour Marco Martella, le jardin devient donc l’espace d’affinités électives qui permettent de plonger « jusqu’au bout dans la matière du monde. » Le lecteur est donc poussé à bien autre chose qu’une promenade bucolique au sein de jardins ouvriers ou non. Se découvre ce que la nature recèle de plus simple et de plus sacré grâce à une main minutieuse et passionnée.
Elle accorde au sens même du politique une valeur de résistance. Celle-ci n’a rien de théorique ou de rhétorique. Elle annonce non seulement des aubes plus aimables mais des temps plus longs et plus humains.
jean-paul gavard-perret
Marco Martella, Un petit monde, un monde parfait, Éditions Poesis, 2018, 112 p.