Charlotte Silvera, Prisonnières
Que sont-elles allées faire dans cette galère ?
Synopsis
L’univers carcéral féminin : un monde impitoyable.
Centrale de Rennes : contraintes à vivre dans la promiscuité, les prisonnières sont des centaines avec, chacune, son histoire, ses errances, ses petites victoires et surtout sa révolte. Ces femmes que l’on tente d’infantiliser, de rendre passives en les poussant à faire de leur cellule leur nouveau foyer, resteront marquées à vie, ne cherchant pas à s’évader. Une fois libérées, la prison continue à vivre en elles à jamais.
Les rapports de force primitifs qu’entretient une hiérarchie avec ses exclues comme Nicole, l’infanticide, ou ses privilégiées, comme Marthe qui domine, impose sa loi aux unes, materne les autres et compose habilement avec la surveillante-chef. Nelly trouve dans la révolte et l’insolence, l’affirmation de ses droits. La découverte de trois sachets d’héroïne dans ses affaires va mettre le feu aux poudres, car Nelly n’est ni dealeuse, ni droguée. Quelqu’un a tout simplement voulu la « faire tomber »…
On pouvait difficilement rêver d’une affiche féminine plus alléchante que celle qui réunit Annie Girardot, Bernadette Lafont, Marie-Christine Barrault, Fanny Bastien, Agnès Soral et la grande chanteuse italienne Milva, dans ce film remontant à 1988. N’ayant jamais entendu parler de Prisonnières avant sa parution en DVD, je m’attendais à découvrir sinon un chef-d’œuvre inconnu, du moins une rareté appréciable, d’autant que Charlotte Silvera a réalisé plus récemment un très bon film, C’est la tangente que je préfère.
Hélas, Prisonnières s’avère raté, et même son côté désuet, qui aurait pu lui donner du charme, n’arrive pas à compenser ses défauts. Le principal provient du scénario et des dialogues, qui oscillent entre l’invraisemblable et l’artificiel, ne convaincant jamais. On se demande comment une pléiade d’actrices remarquables ont pu se laisser attraper pour s’embarquer dans une galère semblable.
On ne saurait même pas les soupçonner d’avoir cru à leurs rôles, car elles les interprètent qui en pastichant son emploi type (Girardot), qui en faisant penser à une élève de cours dramatique en proie à la panique (Soral), qui en employant tout son professionnalisme pour donner quelque vie au schéma qu’on lui a fourni en guise de personnage. Marie-Christine Barrault s’en sort le mieux.
La mise en scène hésite entre stylisation et réalisme, de façon complètement contreproductive, faisant ressortir son insuffisance sur les deux plans. Le décor et l’images sont assez beaux, tandis que la musique est excellente, mais cela ne fait qu’aggraver l’impression de gâchis.
Et que dire des bonus ? Presque tous réalisés par Silvera, ils portent à penser que certaines personnes ne sont jamais aussi bien desservies que par elles-mêmes. De fait, la réalisatrice a retenu si peu de propos de ses nombreux interviewés, qu’on la soupçonne d’avoir coupé au montage à peu près tout ce qui ne pouvait pas être perçu comme un éloge à son sujet.
Pire encore, quand elle parle, elle exhibe un contentement de soi et des prétentions propres à la rendre tout sauf sympathique. N’importe qui d’autre que Silvera se serait débrouillé, avec un minimum de métier, pour réaliser des suppléments à la fois plus intéressants et qui avantageraient la principale intéressée (en limitant au possible ses interventions).
En somme, ce DVD mérite d’être oublié, tout comme Prisonnières l’était depuis sa sortie à l’écran.
agathe de lastyns
Prisonnières, DVD
réalisatrice : Charlotte Silvera,
Doriane Films
juin 2018
durée totale : 141 mn
prix : 10,99 €.