Jean-Marie Gleize, Trouver ici — reliques et lisières

Chemin ou impasse

Huitième volume (ici en onze cha­pitres) d’un cycle débuté il y a plus de 20 ans, ce livre est une ten­ta­tive de s’approcher du réel. Une telle « poli­tique des ronces » induit à la fois celles qui font obs­tacles et blessent dans un réel aride et celles qu’il faut « faire pous­ser » afin de s’opposer à l’ordre éta­bli. Bref, ces ronces issues de la terre « Gleize » seraient des armes de résis­tance.
L’écriture tente de débrous­sailler la route humaine. Elle va cher­cher en talus et fou­gères ce qui per­met, sinon d’offrir une issue au drame humain, du moins le moyen au dis­cours de se pour­suivre. Mais une telle « action poli­tique » est bien minime. Au mieux, elle égra­tigne en ce qui reste une vue de l’esprit anec­do­tique. Et ce, même si l’auteur est un maître reconnu du genre poé­tique qui pense chan­ger le monde par l’engagement et l’action.

Celui qui méprise la poé­sie en tant que « petit objet » s’érige comme défen­seur d’un pro­jet plus ample. Avec un cer­tain mépris pour les autres poètes (sauf ceux de son « école »), il pré­tend à un geste « insai­sis­sable et dif­fi­cile ». Celui-ci se prête bien peu au dia­logue. Et en dépit de l’amitié théo­rique qui le reliait à Denis Roche, Gleize fait de sa « post-poésie » auquel il se réfère quelque chose de fumeux eu égard ou en dépit de son rap­port à la réa­lité objec­tive.
Pré­ten­dant uti­li­ser « les acci­dents du sol » et du réel, Gleize se veut le créa­teur d’une écri­ture « actuelle, fac­tuelle ». Elle tient néan­moins plus de la péti­tion de prin­cipe que d’un réel mou­ve­ment de dépla­ce­ment. L’auteur touche bien les limites créa­trices car les pos­si­bi­li­tés d’un tel lan­gage sentent la fuite abs­traite plus que le ver­tige (n’est pas Ponge qui veut).

Marqueur offi­ciel d’une poé­sie des débor­de­ments (illus­trée par ses diverses revues, hier « Recueil », « Nioques » main­te­nant où sont com­pi­lés des poètes condes­cen­dants), Gleize offre une parole de magis­ter. Elle pré­tend à un enga­ge­ment dou­teux. Celui qui s’affirme zéla­teur et pra­ti­cien d’une écri­ture où « le lan­gage est une manière de se taire » ne cesse de par­ler. Il est de ces poètes qui comme Parra sont des poètes de cours spé­ci­fiques et de prés gar­dés sous cou­vert de che­min de traverses.

jean-paul gavard-perret

Jean-Marie Gleize,  Trou­ver ici — reliques et lisières, Edi­tions Le Seuil, coll. « Fic­tion et Cie », Paris, 2018.

Leave a Comment

Filed under On jette !, Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>