Merwan (scénario, dessin et couleurs), Pankat — Tome 1 : “Saisi à froid”

Rubem­pré au royaume de la bas­ton, ou un roman d’apprentissage et d’arts martiaux.


M
ané est un pay­san naïf mais entêté. Il veut vivre du Pan­kat, cet art mar­tial si réputé dans son uni­vers. Il part donc à Irap, cité immense, popu­leuse et cruelle pour y deve­nir le dis­ciple du grand cham­pion Eiam. En ville, il ren­contre Fes­sat, un homme mys­té­rieux qui se bat avec talent et n’hésite pas à détrous­ser — par­fois de la vie — les notables et autres pontes de la mafia locale. Écar­telé entre Eiam et Fes­sat, qui mani­fes­te­ment se connaissent de longue date, Mané n’arrive pas à choi­sir entre les hon­neurs du Pan­kat et la sublime vio­lence du voleur.

 À tra­vers Mané on découvre les des­sous des arts mar­tiaux et la contra­dic­tion pro­fonde qui les anime. D’un côté, Eiam, cham­pion adulé, passe son temps entre un entraî­ne­ment labo­rieux et des fêtes gran­dioses où il arrose proches et pro­fi­teurs. Le Pan­kat qu’il pra­tique est un sport rigide, codi­fié mais n’est fina­le­ment que spec­tacle. De l’autre, Fes­sat, voleur anar­chiste et idéa­liste, lutte à sa — vio­lente — manière contre le dépé­ris­se­ment de la ville. Pour lui, le com­bat n’est pas un sport, mais bien l’expression ori­gi­nelle, pri­male et libre de son ins­tinct de sur­vie. En fer­mant ce livre la ques­tion sub­siste : boxe spec­tacle ou com­bat pur ? En tout cas, les ama­teurs du Kab­bale de Gré­gory Char­let devraient apprécier.

 Merwan pos­sède un vrai trait per­son­nel qui lui évite de nous faire subir une énième ver­sion de Dra­gon Ball. Son des­sin est certes influencé par le manga, mais le jeune auteur (venu de l’animation et décou­vert dans le cross-over de Del­court Car­men + Tra­vis, les Récits) a su aban­don­ner en par­tie la ron­deur nip­pone pour accen­tuer traits des visages et angles des corps. Pour le reste, l’auteur en est à un coup d’essai plu­tôt réussi, mais qui peut être amé­lioré : le décou­page n’est pas tou­jours par­fait, le scé­na­rio par­fois un peu confus, et les effets pas com­plè­te­ment maî­tri­sés (le raté de la page 47 pour les scènes de nuit sur fond noir). Une der­nière ques­tion (bien que cet album ne mérite pas d’être tant acca­blé) : en BD, les femmes sont-elles toutes néces­sai­re­ment pros­ti­tuées, ser­veuses ou courtisanes ?

 Pour son pre­mier livre en solo, Mer­wan a trouvé son trait, il n’y déroge pas et c’est déjà beau­coup. Espé­rons que dans le second tome, il uti­li­sera au mieux la mul­ti­tude de pistes qu’il a égre­nées dans ce début de série.

Mar­tin Zeller

   
 

 Mer­wan (scé­na­rio, des­sin et cou­leurs), Pan­kat — Tome 1 : “Saisi à froid”, Vents d’Ouest coll. “Équi­noxe”, août 2004, 56 p. — 12,50 €.

 
     
 

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