Par fragments, Louise Warren descend dans la crypte des images en creusant la langue pour l’extraire des dualismes affirmation vs négation et faire surgir à travers elle un monde lui aussi ni noir ni blanc et – par delà – comme le titre l’indique, l’enveloppe invisible. Dès lors, le lecteur — comme l’auteur — sort d’une vision claustrophobe même si le monde qui s’ouvre est aussi proche qu’abyssal. Existent pourtant des assises au moment où tout se met à craquer en des trajets autour du quotidien, de l’autobiographie et de l’interrogation sur l’art et la littérature.
Le texte tisse accords et désaccords entre réalité et rêve, joie et douleur, élévation et chute au sein d’irisations mélodiques qui apaisent les antagonismes au sein d’un univers d’incertitudes et de doutes (existence de Dieu comprise) et d’effacements. Tout en effet se passe comme si, en absence ou invisibilité de l’enveloppe, ce qu’elle contient disparaît.
Néanmoins, la pulsion de l’écriture cherche à révéler trésors, secrets, mystères que l’imaginaire refonde au sein même du réel. Au besoin, Louise Warren dans un mouvement intérieur mais qui échappe au mysticisme joue sur divers systèmes de répétitions et de digressions pour que l’enveloppe invisible devienne paradoxalement plus présente.
De la rêverie métaphysique qui nécessite l’effacement de soi au spleen lyrique qu’imprime par exemple la « saudade » (p. 27), se révèle un univers où les mots « somnambuliques » prennent possession de la rêverie pour l’introduire dans les trous et les vides du réel et de la page blanche là où « mes ratures tracent d’étranges chemins » lorsque la poésie patine et la pensée piétine.
Existe dans un tel texte des élagages et des froissements. Ils laissent passer ou filtrer des images fantômes, des sensations imperceptibles au risque du silence mais afin de mieux sonder la vie sans chercher l’effet ou le swing. Ici, la poésie ne sonne pas, elle murmure.
jean-paul gavard-perret
Louise Warren, L’enveloppe invisible, Editions du Noroît, Montréal, Québec, 2018.