Véronique Sablery franchit ici une nouvelle étape. Elle s’affranchit du diaphane, plonge vers la nature dans tous ces états moins pour en révéler le charme que le mystère et ce, par la beauté de prises et les effets physiques et mentaux qu’elles produisent par le choix même de leur création. Chaque image peut rester sans titre, sans histoire, sans direction puisque rien n’a lieu que son lieu par le langage et sa syntaxe visuelle et afin que le regardeur s’y trouver planté, étonné, fixé au moment où de nouvelles perspectives débordent.
A l’inverse d’un Bernard Noël pour qui « toute chose mentale a son arrière-pays qui se perd dans les ténèbres », Véronique Sablery dialogue avec le visible non selon la supposée présence qui se tient là-bas, dans le noir mais au sein de la lumière impeccablement ourlée par le « balayage » et le ballet des images.
Le réel apparent ricoche, il devient admirable grâce à la manière dont il rebondit sur un monde végétal magnifique et fait d’organismes que l’image révèle et réveille dans une cérémonie attentive de recueillement. L’artiste répond à sa manière à la question « Et vous, vous savez ce qu’il en est de la nature ? ». La photographie devient une peinture parlante, un carré d’espace où l’infime devient immense. Véronique Sablery affirme donc un écart.
Son expérience prend l’aspect, en une lenteur incrustante, d’un voyage, d’une errance. Elle exprime la traversée d’un massif compact soudain ajouré dans sa plénitude. Les débords silencieux de la matérialité indiquent des balises « matériologiques » où la photographie atteint une sorte de qualité conceptuelle.
Existe une provisoire délivrance au milieu de suspensions en une expérience rare d’une mise en abyme de la traversée de la nature dans l’altérité du langage photographique.
Chaque image devient la matrice presque invaginée par la prise de moments magiques de plénitudes ouvertes.
jean-paul gavard-perret
Véronique Sablery, Natura Mirabilis, Galerie des Sens, Caen, du 14 mars au 14 avril 2018.