Thésée est écrivain et cinéaste. Elle est aussi génératrice d’énergie auprès d’artistes et écrivains. Elle a réalisé par exemple Cueillis au passage sur Michel Butor à Lucinges. Son objectif n’est pas de représenter mais de fournir un regard affûté. Dans ses textes la drôlerie, la sensation de vertige peuvent cohabiter sans peine. Dans ses images existent à la fois le génie du lieu et sa hantise. La créatrice fait reculer le chant des certitudes et met une grâce dans tout ce qu’elle fait sachant suggérer au besoin ce qui demeure caché. Existent des phénomène indiciaires aussi subtils qu’étrange et qui tiennent lieu de trouble par un art parfait de la suggestion.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La lecture : je me réveille à 6h, je prends un mug de café au lait et, assise dans mon lit, de 6h à 8h, je lis romans, essais ou poésie (au moins deux livres en parallèle) et j’écris mon journal intime.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils sont tous en train de se réaliser. A cinq ans, je me voyais poète. A dix ans, je voulais tenir un restaurant. A onze ans, je voulais faire du cinéma. A 20 ans, j’aurais rêvé de fréquenter les surréalistes.
A quoi avez-vous renoncé ?
A 20 ans, j’ai dû renoncer à tous mes rêves. Mais je les ai toujours côtoyés. A 60 ans, j’ai fait ma carte de visite : Thésée, réalisatrice (ma revanche sur le minotaure) et je le suis devenue.
D’où venez-vous ?
D’Angoulême, études à Grenoble.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Le goût pour la musique de ma mère et son violon, la rigueur technique de mon père et le goût des beaux papiers, le goût pour l’art contemporain de mon oncle et quelques unes de ses toiles, l’amour et la fantaisie de mes deux grands-pères.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Une glace dans un cornet en gaufrette.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivain et artiste ?
Principalement le mouvement que je mets dans tout ce que je crée, ce que je crée étant souvent tourné vers l’autre en tentative d’harmonie.
Où travaillez-vous et comment ?
Je n’ai jamais l’impression de travailler. Le lieu est celui qui s’impose à moi, une urgence. J’ai souvent plusieurs travaux en cours, de genres différents.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Une grande toile de Jérôme Bosch dont j’ai oublié le titre, et le bain turc d’Ingres, dans un livre d’art, je devais avoir 8 ans.
Et votre première lecture ?
En dehors des livres de poèmes d’enfants, le premier vrai livre que j’ai lu en cachette dans le grenier de mes parents, c’est « Madame Bovary » en édition reliée et bilingue. Le livre était très beau et j’avais l’impression de lire plus vite car je ne lisais qu’une colonne sur deux. La mort d’Emma m’a marquée à vie… je ne l’ai jamais relu depuis.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Pas de préférence du moment que c’est très bien joué, chanté, interprété et de bonne qualité de transmission.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je relis rarement sans raison : nécessité pour un film, pour une rencontre… Il y a tellement de livres que je n’ai pas encore lus.
Quel film vous fait pleurer ?
Tous ceux qui finissent bien. J’ai honte de le dire.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Est-ce que je devrais voir quelqu’un d’autre que mon image inversée ?
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’aurais aimé faire un film sur Pascal Quignard et qu’il y joue du violoncelle… Mais je n’ai pas osé lui écrire quand c’était encore temps.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Ça reste Paris, le café de Flore.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
En art contemporain Anthony McCall, en littérature Viginia Woolf , en musique Erik Satie, en philosophie Jankélévitch, en poésie Bernard Noël. Mais je ne connais pas tous les artistes.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un livre ou des fleurs, ça me fera toujours plaisir
Que défendez-vous ?
L’art et les artistes contemporains, donc l’expression libre de notre temps, la beauté de la différence.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
C’est négatif, mais hélas souvent le cas. Pour moi : aimer, c’est d’abord accepter l’autre dans sa différence.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Toute forme d’humour a sa raison d’être pour aimer ce qu’il nous est donné de vivre. La vie est un grand problème avec plein d’équations, dont l’énoncé ne nous est jamais donné, mieux vaut dire oui à tout ce qu’elle nous donne et alors on voit le problème.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Aucune, c’est vous qui décidez de l’importance des questions, mais puis-je avoir vos réponses à ces questions qui, en quelque sorte, vous définissent ? C’était très intéressant. Merci
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 14 octobre 2017.