Celui qui a réalisé tous ses cauchemars : entretien avec Cyril Huot (Secret, le silence)

Formé par Pas­cal autant que par les « covers » de Paris-Hollywood , pleu­rant (de rire) devant Autant en emporte le vent, Cyril Huot est un grand sei­gneur qui ne peut être méchant. Sai­gneurs des anneaux, il a pour les agneaux humains les com­mi­sé­ra­tions adé­quates mais juste ce qu’il faut sauf à ceux qui — telle Marina Tsve­taïeva — vivèrent en Sibé­rie à moins 60 degrés du côté de Tou­ransk au temps du bon père du peuple.
Adepte du Madi­son comme Billy Bridge, dra­gueur des mimines de Mireille Mathieu, trou­vant dans les entre­chats du tango (de Chri­tine Angot comme de celui plus argent teint de Mit­ter­rand avec sa 4 CV Pin­geot) des pla­ti­tudes crasses, l’auteur écrit sur ce que les autres méprisent. C’est un Lau­tréa­mont (mâtiné de Sade et de Masoch comme des écrits des Saintes Allu­mées) tant il aide à modi­fier les condi­tions de com­pré­hen­sion de situa­tions édul­co­rées dans les pro­duc­tions ver­bales de masse.

Sans pla­cer les cau­che­mars au-dessus de l’existence ordi­naire, il sait que les congé­dier tien­drait du pur caprice. Il en fait au besoin la sub­stance tex­tuelle et sexuelle en des envols qui ne retirent pas — bien au contraire — les angoisses de chute et de pénétration.

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Comme Proust, et donc comme tout grand écri­vain, je ne me lève jamais avant midi.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Enfant, je ne fai­sais que des cau­che­mars et ils se sont tous réalisés.

A quoi avez-vous renoncé ?
À tout sauf à Satan, à ses pompes et à ses œuvres.

D’où venez-vous ?
Du pays bleu.

Qu’avez-vous reçu en « héri­tage » ?
La peur bleue qui habite à jamais le cœur des enfants nés dans ce pays-là.

Qu’avez vous dû aban­don­ner pour votre tra­vail ?
Fort heu­reu­se­ment pas le divan pro­fond comme un tom­beau dans lequel je passe le plus clair de mon temps.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Consul­ter les rubriques nécro­lo­giques que la presse consacre aux célé­bri­tés et aux grands per­son­nages de ce monde.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres écri­vains ?
La pre­mière réponse qui vient à l’esprit c’est : le talent, bien sûr. Mais lorsqu’on sait qu’un Faulk­ner ou un Tho­mas Bern­hard, pour ne citer qu’eux, se refu­saient à se décla­rer « écri­vain », on voit mal com­ment l’insecte lit­té­raire que l’on est pour­rait pré­tendre répondre à cette question.

Com­ment défi­ni­riez vous votre approche de la fic­tion ?
Pour le moins réticente.

Quelle fut l’image pre­mière qui esthé­ti­que­ment vous inter­pella ?
Une dame plan­tu­reuse en porte-jarretelles, en cou­ver­ture d’un exem­plaire de « Paris-Hollywood ».

Et votre pre­mière lec­ture ?
La légende de cette photo de la revue coquine en question.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Comme Pas­cal, celles des espaces infinis.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Le der­nier que je viens d’écrire. (Ce qui est pour­tant la chose à ne sur­tout jamais faire).

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Autant en emporte le vent” et “Tita­nic”. De rire, évidemment.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je ne puis que me répé­ter puisque c’est l’absolue vérité : je ne me suis jamais vu dans un miroir. Il ne m’est jamais arrivé de me voir que, bien rare­ment et, dans ce cas, très briè­ve­ment, dans les yeux d’une femme que je venais de ren­con­trer pour la pre­mière fois.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À Mireille Mathieu. (Je me demande bien encore pourquoi).

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Avi­gnon. (La ville natale de Mireille Mathieu).

Quels sont les écri­vains et artistes dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Outre Mireille, donc, je cite­rais dans la même caté­go­rie : Chris­tine Angot, Richard Clay­der­man, Maza­rine Pin­geot et Billy Bridge.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
La tête de l’un(e) ou de l’autre de ceux et de celles ci-dessus cités.

Que défendez-vous ?
Les droits inalié­nables de l’individu face au troupeau.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Que n’a t-il su dire aussi : “L’argent c’est don­ner quelque chose qu’on a en trop a quelqu’un qui en manque cruellement.”

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Pour ma part, la réponse est non quelle que soit la question

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
“Que pensez-vous des ques­tion­naires de ce genre ?” (Et sachez que vous avez très bien fait d’oublier de me la poser).

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 14 octobre 2017.

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