Scandaleusement oublié par les Nobel depuis des années — qui pour couronner la littérature américaine ont bradé l’année dernière leur prix à un baladin surcoté -, Philip Roth reste celui qui aura donné de son pays une image inoubliable par sa force, son élégance, son ironie.
Le volume de La Pléiade ramène à l’aube de l’œuvre, à l’époque où Roth construit son image grâce au recueil de nouvelle « Goodbye Columbus » et surtout « La plainte de Portnoy » (nouveau titre moins parlant que l’original « Portnoy et son complexe »).
Le livre fait scandale dans la communauté juive qui se sent injurié par une vipère élevée en son sein. Il est vrai qu’à l’époque une telle gouaille linguistique dépote. Mais le roman est magistral. Portnoy devient un des masques de l’auteur. Il va poursuivre quelque temps sa saga populaire tout en déclinant d’autres figurations (dont un professeur métamorphosé en glande mammaire en un clin d’œil à Kafka).
Apparaît aussi le successeur de Portnoy : Zuckerman — sans doute son double le plus proche et qui deviendra plus tard le héros du plus grand livre de l’auteur : La Pastorale Américaine.
Pour l’heure, il convient de reprendre ces œuvres premières loufoques, gouailleuses, impitoyables et leur polyphonie de voix là où la fable, la critique sociale et la saga sarcastique trouvent une dimension impressionnantes. Moins typé que Singer — et sans doute pour cela plus populaire -, Roth reste le maître de l’humour romanesque. Dénouant bien des pièges, par son audace de ton, il fait du discours sur la réalité un divertissement épique et (im)pitoyable.
Et c’est sans doute ce qui donne aux aventures de Portnoy et de ses clones une vision aiguë du monde tel qu’il est.
jean-paul gavard-perret
Philip Roth, Romans et nouvelles — 1959 –1977, NRF, Gallimard, coll. Pléiade, Paris, 2017.
La Pléiade et JPGP suffisent à la reconnaissance du talent de Philip Roth .