Jacques Réda, Accidents de toilette

Vati­ci­na­tions farcesques

En pro­me­neur des deux rives. Réda conti­nue son aven­ture dans le cos­mos tout en fai­sant retour à l’infiniment for­tuit et à l’accident minime : une chaus­sure délacé au pied du cou­reur, une fer­me­ture Eclair qui ne peut plus se remon­ter et jette le doute sur le por­teur d’un pan­ta­lon aux allures désor­mais équi­voque.
Pour autant, l’infiniment grand n’est pas traité par des­sus la jambe. En pater non aus­tère, Réda prête atten­tion à ce qui fait de l’Univers un Un même si celui-ci « mul­ti­plie les accrocs dans son tra­jet vers le terme qu’il oublie, comme si l’anomalie, part d’un plus vaste pro­jet, en nais­sant se corrigeait ».

Fidèle à sa proxi­mité avec la science et une forme de méta­phy­sique, le poète s’aventure une nou­velle fois dans les che­mins de l’expérimentation approxi­ma­tive, dis­cur­sive et poé­tique. Le lec­teur en a pour son argent. Car si par­fois l’auteur se perd dans cer­tains ses livres en des spé­cu­la­tions hasar­deuses, trai­tant de l’accident il devient pré­cis afin que ne soit pas entra­vée la marche sinon de l’homme du moins du temps et ce, afin qu’il règne en maître. Et ce, même sur nos erreurs et nos faus­se­tés.
Sachant que le for­tuit est plus tai­seux que le sphinx et « plus malin et vif qu’une belette », il apprend à tout un cha­cun une pru­dence jusque dans nos atours et notre toi­lette. Il convient que nul ne soit blessé dans sa chair et son esprit eu égard à des péchés d’omissions et d’émissions. Car si Dieu lui-même peut craindre la ruine des galaxies qu’il créa et les empires que ses créa­tures engen­drèrent, l’auteur se plait à hypo­sta­sier sur divers enli­se­ments, arrêts ou accé­lé­ra­tions de nos incar­na­tions approxi­ma­tives. Cela peut lais­ser rêveur mais est bou­gre­ment vivifiant.

Bref, Réda une nou­velle fois pose des ques­tions « idiotes ». Elles res­tent les plus impor­tantes à tout mor­tel qui engage ses péré­gri­na­tions dans le réel. De telles expé­riences peuvent appa­raître comme de purs jeux de l’esprit mais demeurent capi­tales à qui veut bien com­prendre tout ce qui bloque l’existence. Dès lors, au lyrisme, le poète pré­fère l’humour pour arra­cher l’être humain à ses erreurs com­munes qui le laminent et que seuls les imbé­ciles prennent pour de spé­cieuses vaticinations.

jean-paul gavard-perret

Jacques Réda, Acci­dents de toi­lette, illus­tra­tions d’Anne Marie Soul­cié, Fata Mor­gana, Font­froide le Haut, 2017.

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