En promeneur des deux rives. Réda continue son aventure dans le cosmos tout en faisant retour à l’infiniment fortuit et à l’accident minime : une chaussure délacé au pied du coureur, une fermeture Eclair qui ne peut plus se remonter et jette le doute sur le porteur d’un pantalon aux allures désormais équivoque.
Pour autant, l’infiniment grand n’est pas traité par dessus la jambe. En pater non austère, Réda prête attention à ce qui fait de l’Univers un Un même si celui-ci « multiplie les accrocs dans son trajet vers le terme qu’il oublie, comme si l’anomalie, part d’un plus vaste projet, en naissant se corrigeait ».
Fidèle à sa proximité avec la science et une forme de métaphysique, le poète s’aventure une nouvelle fois dans les chemins de l’expérimentation approximative, discursive et poétique. Le lecteur en a pour son argent. Car si parfois l’auteur se perd dans certains ses livres en des spéculations hasardeuses, traitant de l’accident il devient précis afin que ne soit pas entravée la marche sinon de l’homme du moins du temps et ce, afin qu’il règne en maître. Et ce, même sur nos erreurs et nos faussetés.
Sachant que le fortuit est plus taiseux que le sphinx et « plus malin et vif qu’une belette », il apprend à tout un chacun une prudence jusque dans nos atours et notre toilette. Il convient que nul ne soit blessé dans sa chair et son esprit eu égard à des péchés d’omissions et d’émissions. Car si Dieu lui-même peut craindre la ruine des galaxies qu’il créa et les empires que ses créatures engendrèrent, l’auteur se plait à hypostasier sur divers enlisements, arrêts ou accélérations de nos incarnations approximatives. Cela peut laisser rêveur mais est bougrement vivifiant.
Bref, Réda une nouvelle fois pose des questions « idiotes ». Elles restent les plus importantes à tout mortel qui engage ses pérégrinations dans le réel. De telles expériences peuvent apparaître comme de purs jeux de l’esprit mais demeurent capitales à qui veut bien comprendre tout ce qui bloque l’existence. Dès lors, au lyrisme, le poète préfère l’humour pour arracher l’être humain à ses erreurs communes qui le laminent et que seuls les imbéciles prennent pour de spécieuses vaticinations.
jean-paul gavard-perret
Jacques Réda, Accidents de toilette, illustrations d’Anne Marie Soulcié, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2017.