Jean-Luc Parant, Le miroir aveugle

Expé­ri­men­ta­tion sen­so­rielle et gnostique

Se tenant au confluent de l’inspiration auto­bio­gra­phique et de l’interrogation mys­tique du corps souf­frant, Le miroir aveugle de Jean-Luc Parant témoigne d’un enga­ge­ment total aussi bien exis­ten­tiel que poé­tique en cinq moments. Et si la vie n’est sou­vent pour un créa­teur que le reste le plus perdu de son tra­vail, pour Parant il n’en va pas de même. Il déve­loppe l’histoire d’un che­mi­ne­ment qui n’a pour but que de venir se bou­cler en un séjour où, nou­veau Jonas, il consomme les extases d’un éter­nel retour au monde à tra­vers des textes et objets aussi denses que dif­frac­tés, opaques et trans­lu­cides.
His­toire de l’œil et de boules, l’oeuvre fait de tels objets des miroirs para­doxa­le­ment aveugles mais — pré­cise l’auteur — sans eux « je serais resté petit. »  Sous le signe de la rota­tion, l’œuvre avance avec la volonté de « pas­ser par les yeux des autres » non dans une pro­pen­sion nar­cis­sique mais afin de pour­suivre les dépla­ce­ments inhé­rents à l’œuvre.

Dès lors, au-delà d’un por­trait en vignettes qui accom­pagnent un des textes et montrent l’auteur saisi à tous les âges de sa vie, Parant crée une vision océa­nique de la vie en s’interrogeant sur ce qui le hante : à savoir l’origine des yeux et des boules. Manière de tour­ner autour de ce qui n’a pas de réponse : « J’ai fabri­qué des boules pour repro­duire ce que je ne voyais pas de moi-même, et j’ai écris des textes sur les yeux pour repro­duire ce que j’en voyais. »
La parole du vivant se mêle à celle de la trans­cen­dance à tra­vers une écri­ture en spi­rale. Elle est le signe d’un mou­ve­ment qui accepte de faire retour sur lui-même avant de se pro­je­ter, entre cécité et voyance, vers l’inconnu de l’être et du monde et en ne pri­vi­lé­giant jamais le logos sur les sens.

A la fois her­mé­tique et ouverte, l’œuvre demeure une expé­ri­men­ta­tion sen­so­rielle et gnos­tique. Artiste des « choses » et poète de l’inconnu, Parant n’a cesse d’interroger l’existence par une média­tion en actes entre le vide et le plein. L’œuvre tente de com­bler le pre­mier à tra­vers ce qu’elle pro­duit afin de trans­mettre la clé d’une pos­sible récon­ci­lia­tion entre tout et rien là où l’Absence trouve des figures réma­nentes.
Ema­nant de la pénombre de l’inconscient, l’œuvre crée une para­doxale opé­ra­tion d’amour et un pro­jet anthro­po­lo­gique dans une tra­ver­sée du deuil matri­ciel dou­lou­reux et jamais ter­miné où la femme prend la place de Dieu dans l’approximation de l’unité qui asso­cie l’être au fémi­nin et au cos­mos en une mélan­co­lie char­gée d’émotions archaïques, ferment d’une dou­leur et d’une rêve­rie inépuisable.

jean-paul gavard-perret

Jean-Luc Parant,  Le miroir aveugle, édi­tions Argol, 2016, 195 p. — 18,00 €.

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