Une représentation alerte et haletante, qui attise l’attention
Ce sont des blocs massifs faisant comme une muraille qui occupent le devant de la scène ; le plateau se découvre dans une atmosphère mystérieuse, dans un bruit métallique. Apparaît entre les gigantesques parois la couche blanche où dort Pauline, baignée de lumière et menacée par cela même qui la rend désirable. Les attitudes sensuelles contrastent avec la froideur des grands pans qui durant le spectacle ouvrent ou barrent le regard. La pièce tisse deux ou trois conflits : comme souvent, celui de la raison et de la passion, dont Pauline est l’interprète privilégié ; celui du pouvoir local et du pouvoir central, incarné par Sévère et Félix ; enfin celui de la tradition religieuse et de la conversion. Le décor grandiose, aux allures presque mystiques, accueille des êtres de passion qui se débattent avec leurs antagonismes de vertus.
On assiste à une mise en scène véritablement dynamique, qui donne à chacun des personnages l’occasion de manifester sa quête existentielle ; les répliques sont nourries, passionnées et passionnelles, au point que le propos prend parfois des accents vaudevillesques. Les choix effectués sont efficaces et nuancés ; les êtres engagés emportés par leurs tourments manifestent leurs élans. Le texte en devient audible et presque crédible, en dépit d’une expression tendanciellement hyperbolique. Brigitte Jaques-Wajeman a modifié quelque peu le dénouement de la pièce, rompant la logique des conversions en série, pour évoquer la terrible opposition de l’intention de martyr et de sa répression, faisant un écho explicite au terrorisme contemporain. L’intention apologétique est renversée au profit d’une interrogation sur le sens de l’engagement, nourrie par quelques mots de Nietzsche. Un travail maîtrisé, qui conduit à une représentation alerte et haletante, qui attise l’attention et sollicite le plus grand intérêt.
christophe giolito
Polyeucte de Pierre Corneille
mise en scène Brigitte Jaques-Wajeman
Avec Clément Bresson, Pascal Bekkar, Aurore Paris, Pauline Bolcatto, Marc Siemiatycki, Timothée Lepeltier, Bertrand Suarez-Pazos.
Conseillers artistiques François Regnault & Clément Camar-Mercier ; scénographie& costumes Emmanuel Peduzzi ; lumières Nicolas Faucheux ; création son Stéphanie Gibert ; accessoires Franck Lagaroje ; maquillages& coiffures Catherine Saint-Sever ; chorégraphie Sophie Mayer ; assistante scénographie Nathalie Chignardet ; assistante costumes Pascale Robin ; décor Ateliers-Jipanco.
© Mirco Magliocca
Au théâtre de la ville, Les Abbesses, du 10 au 21 janvier 2017, du mardi au samedi à 20h30. Durée : 2h. En tournée le 24 janvier à Poitiers (TAP/ATP), le 2 février à Montbéliard (Ma scène nationale), le 1er mars à Brive (Théâtre des 13 arches), le 14 mars à Alençon (Scène nationale), le 18 mars à Fontainebleau (Théâtre municipal), les 2 et 3 mai à Amiens (MCA), les 11 et 12 mai à Beauvais (Théâtre du Beauvaisis), les 23 et 24 mai à Cergy-Pontoise (L’Apostrophe).