Chaque poète est un rêveur. Mais pas forcément doux. Voire — comme Laurent Grison — lucide. Il sait que « la page boursoufle / comme un pneu gonflé d’air / se rêvant cylindre ». Mais c’est bien l’être et non le monde qui y est inséré, soumis à « l’ellipse barbare de l’énigme ». Si bien que l’image du pneu n’est pas aléatoire : celui-ci est prêt toujours pour d’apparents départs sans pour autant connaître les dévoilements qui se produiront grâce au voyage qu’il engage.
Mais le pneu symbolise aussi le vide, le creux qui permettent d’entendre « le flottement / irrésolu / des bruits » dont le poète lui-même ne perçoit que des échos tout en cherchant aussi la possible percée de la lumière.
Le goût des mots et de leurs assonances permet à Grison un chemin de dedans qui répond au son de théâtre du monde. Le glouglou de la baignoire jouxte de sèche mémoire le poème qui ne cesse d’avancer entre deux pages, tout en rêvant de posséder les mêmes dents acérées que le chien de Zola. Celles du poète croquent les voyelles. Comme le Pimpin canin, il tire la langue et tout compte fait, le chemin du poète n’est pas plus probant que celui du chien, chaque fois il revient au présent qu’il croit apprivoiser de mots plutôt que de recettes.
Dans l’incandescence des lieux et du verbe, le poète « force » le corps à se montrer sans ostentation et tel qu’il est. L’éphémère de l’instant saisi suggère de mystérieux et fascinants « motifs ». La réalité et les faits sont là mais laissent présents le rêve, le désir, une forme de fiction plus vraie peut-être que le réel et ses entrecroisements où « les branches se nouent ».
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jean-paul gavard-perret
Laurent Grison, Le chien de Zola, Editions Henry, Montreuil sur mer, 2016, 82 p.- 8,00 €.