Selon Folleat, « nous sommes d’une matière calcaire, et nous nous construisons à la manière des stalagmites » : il y a donc en l’être érosions et concrétions comme fruits des expériences, des blessures et de leurs cicatrices. Face à ce désastre forcément grandissant, il s’agit de bondir en avant pour tenter de tordre le fameux « dasein ». Plutôt que de cultiver des vissions passéistes, l’auteur propose un autre monde — mais sans la moindre illusion. Son lendemain ne chante pas forcément (euphémisme…).
Ulysse n’est plus ici et l’auteur ne s’en plaint pas . Aux mythes et ses fardeaux succèdent le rêve et son envers : le cauchemar. Il y aura encore bien des incendies de bibliothèques (elles sont d’ailleurs en déperdition dans notre monde virtuel) mais cela n’empêchera pas aux discours de se poursuivre. Reste à savoir ce que seront leur nature. Le livre science-fictionne tout autant qu’il « crépuscule » et crépite.
En son magma, la vie rampe et erre ne sachant quel chemin elle va prendre et par quelle brèche. Arrive le temps « de la grande métamorphose ou du grand rapiéçage ». Mais aura-t-on le temps de ravauder avant la division finale ? Si bien que participer au monde prend des allures folâtres et pourrait finir en foirade là où l’écriture devient tissage de débris et d’éclats. Avant la grande explosion restent ces lacérations.
L’ auteur espère un sens. Il doute toutefois, sinon de sa reconstruction, du moins de son aboutissement. A la chair bleuie du monde répondent les secousses de la fiction dont l’écriture divise autant qu’elle rassemble. Ce qui fait écrire à son auteur dans un de ses derniers textes : « Je ne suis pas le monde, je ne suis même pas dans le monde. Je me pointe au grand bal, et le groom cherche mon nom dans la liste. Absent ». A l’écriture de lui donner une apparence.
jean-paul gavard-perret
Loïc Folleat, Des débris, des éclats, Editions Carnet d’art, Aix les bains, 2015.
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