Ginette Mathieu & Claire Nicole, Refuge

Dans la mai­son de l’être

Le refuge est une ombre rabat­tue. C’est une « res extrema » qui pro­longe l’ouvert dans le fermé, la lumière dans l’obscur. Ses contours deviennent per­cep­tibles au sein de l’œuvre de Claire Nicole. Les mots de Ginette Mathieu s’y insèrent moins pour s’y cacher que pour les dédou­bler. L’ombre des mots se pro­jette sur le plan des des­sins. Dans les deux cas, clarté et obs­tacle se marient. Ce que le trait achève, le mort l’« ori­gine » et vice versa — par touches et esquisses.
Le livre lui-même devient « locus », abri, « refuge ». Image et mot inter­fèrent, se sus­pendent l’un à l’autre tels des « objets » homo­thé­tiques d’une même figure. Ils sont dis­crets et finis pour se pro­je­ter du dedans au dehors dans l’étendue mutuelle où ils séjournent en deve­nant non divi­sibles. L’un est le réfé­rent de l’autre sans être indé­pen­dant ni dis­si­dent. Il s’agit autant d’une auto­no­mie de « site » que de cau­sa­lité. L’image pro­duit les mots mais en retour elle devient leur effet.

En consé­quence, dans le Refuge, l’ombre se retire. Le livre se déve­loppe avec son ombre « por­tée » par cette approche vers le point de contact où mots et images se déposent et sédi­mentent au sens pre­mier des deux termes. Dépôt vient de pari­sare : s’arrêter et sédi­ment de sedere : séjour­ner. C’est donc bien de refuge qu’il s’agit. Les mots trouvent le repos où l’ombre dans l’image qui se meurt à peine.

jean-paul gavard-perret

Ginette Mathieu & Claire Nicole,  Refuge, Pas­sage d’encres, Mou­lin de Qui­lio, 2015 - 300,00 €. 

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Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Poésie

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