Un propos qui ne parvient pas à convaincre sur la distance
Le décor est un salon des années vingt ou trente, au sein duquel se déroule initialement une fête. On n’est pas situé dans un temps déterminé, mais les costumes font songer à l’avènement du capitalisme, à l’essor du totalitarisme, aux incertitudes des situations dans lesquelles on sent que tout peut basculer… La monstration du décor comme tel démasque le jeu du pouvoir à travers les façades et leur envers. La scène réunit des acteurs chevronnés, qui développent un jeu dynamique mais qui tendent à lisser les aspérités du texte. La violence du propos se trouve comme située hors sol dans un salon. La pièce, une fois jouée par des comédiens qui risquent de trop s’approprier leur rôle, dans un théâtre à l’italienne, peut apparaître un peu embourgeoisée.
Les comédiens habitent leur rôle avec efficacité et professionnalisme ; toutefois, leur partition est d’inégale valeur. Denis d’Arcangelo fait un heureux bouffon, tandis que José Antonio Pereira ne parvient pas à incarner le fils déchu ensauvagé, prisonnier qu’il est de son accoutrement réduit à un pagne… Marianne Basler se montre la plus inspirée des trois sœurs. Michel Aumont est très bien, en son genre. Acteur accompli, il incarne son personnage en se l’appropriant, mais son physique, son jeu, font de Lear un vieillard trop affable, un peu patachon. Finalement, à partir d’une proposition intéressante et d’une troupe attachante, Jean-Luc Revol développe un propos qui ne parvient pas à convaincre sur la distance. Le spectacle a ses qualités, mais le public reste sur sa faim quant à l’intérêt de la construction présentée, qui semble succomber à son itération.
christophe giolito
Le Roi Lear
de William Shakespeare
Mise en scène de Jean-Luc Revol
Avec :
Michel Aumont : le roi Lear ;Marianne Basler : Goneril ; Bruno Abraham-Kremer : Kent ; Agathe Bonitzer : Cordélia ; Anne Bouvier : Regan ; Olivier Breitman : Albany ; Frédéric Chevaux : le Chevalier ; Arnaud Denis : Edmond ; Denis D’Arcangelo : le Fou, un homme d’Edmond ; Jean-Paul Farré : Gloucester ; Éric Guého : Oswald ; Martin Guillaud : France, un serviteur, un gentilhomme, un capitaine, un homme d’Albany ; José-Antonio Pereira : Edgar ; Éric Verdin : Cornwall, un homme d’Edmond ; Nicolas Gaspar : Bourgogne, un homme de Lear, Curan, un serviteur, un messager, un homme de Cordélia, un homme d’Albany.
Assistant à la mise en scène : Sébastien Fèvre ; Décors : Sophie Jacob ; Costumes : Pascale Bordet ; Lumières : Bertrand Couderc ; Son / musique : Bernard Vallery ; Chorégraphe des combats : Albert Goldberg.
Au théâtre de la Madeleine, du 11 septembre au 20 décembre 2015, 19, rue de Surène 75008 Paris
Tél. 01 42 65 07 09 http://www.theatre-madeleine.com/spectacle/piece/le-roi-lear
Spectacle créé le 11 septembre 2015 au Théâtre de la Madeleine.
Photographies de la pièce : Christophe Vootz ; Production Le Théâtre de la Madeleine en coproduction avec Pascal Legros Production, MCNN – Centre de création et de production de Nevers, Romans Scènes – la Ville de Romans-sur-Isère et le Théâtre intercommunal le Forum de la Cavem.
En tournée : le mercredi 13 janvier 2016 à Nevers (58), du mardi 26 janvier 2016 au mercredi 27 janvier 2016 à Romans-sur-Isère (26), le mardi 2 février 2016 à Fréjus (83), le vendredi 5 février 2016 à Noisy-le-Grand (93), le mardi 9 février 2016 à Mérignac (33), le lundi 14 mars 2016 à Fribourg (Suisse), le vendredi 18 mars 2016 à Corbeil-Essonnes (91), le mardi 29 mars 2016 à Arcachon (33).